Face à un coût des énergies toujours au plus haut, il nous faut investir davantage !

A l’heure du défi climatique, réduire notre dépendance énergétique est un enjeu fondamental pour Vert Ardent. 

Plus prosaïquement, c’est également un enjeu économique pour notre ville.

Pour ce budget 2023, j’ai refait mon petit travail de bénédictin annuel (puisque nous n’avons toujours pas accès aux budgets dans un format électronique) et j’ai encodé toutes les dépenses de gaz, d’électricité et d’eau pour tous les bâtiments de la ville. 

Si l’on compare au budget 2022 (pas au CMB).  Pour l’électricité, on passe de 6,27 à 7,46 millions de dépenses budgétées (+19%). Pour rappel, nous étions à 3.8 millions en 2021 (donc c’est +96% en 2 ans).  Pour le gaz on passe de 10,18 millions à 9,12 (-10%). Nous étions à 4,71 millions en 2021 (+93% en 2 ans).  Et pour l’eau, nous sommes à 1,11 millions, soit exactement comme en 2022. 

Au total pour eau, gaz et électricité, le budget 2023, c’est 17,7 millions d’euros, soit un peu plus que les 17,5 du précédent budget, mais un peu moins il est vrai que ce qui avait finalement été arrêté lors du CMB 2022 (20,3 millions). Mais dans tous les cas, nous restons à des niveaux extrêmement élevés par rapport à ce que nous connaissions avant.

Les énergies représentaient 1,67% du budget total en 2021, nous sommes à 2,63% en 2023. Et si l’on regarde plus spécifiquement la partie “frais de fonctionnements” (82,6 millions au total), cela représente désormais plus de 21%.  Il y a donc clairement là un gisement d’économie énorme à exploiter plutôt que de couper dans d’autres dépenses plus essentielles

Le collège dans sa communication impute la baisse du coût des énergies au budget 2023 (toute relative à nos yeux je le répète) aux résultats en matière d’avancées sur l’efficience énergétique.  

Il faut comparer les quantités consommées et non les dépenses pour valider cette affirmation. Nous n’avons pas reçu les quantités consommées mais si l’on regarde l’évolution des dépenses en gaz qui sont en fait les seules à baisser réellement, et qu’on les met en parallèle avec l’évolution du tarif (que nous avons demandé et obtenu) on doit conclure que la consommation a en fait augmenté et non diminué puisque la baisse des tarifs (-20%) est supérieure à celle des dépenses (-18% vs CMB 2022)

Sur base du tarif obtenu, je me suis amusé à calculer notre consommation de gaz.  Elle est juste affolante. Au budget 2022, 94 millions de kWh, au budget 2023, 106 millions de kWh. Cela représente plus de 9 millions de m3 de gaz qui nous coûtent plus de 9 millions d’euros. Cela en fait de m3 de gaz et des euros jetés à travers des vitres à simple vitrage !

Je voudrais prendre un exemple concret pour que nous comprenions bien l’ampleur de ce qui se passe concernant notre retard en matière de réduction de nos consommations.  L’énorme bâtiment de Hazinelle, de loin le plus gros bâtiment de l’ECL sauf erreur.  Celui-ci date de 1963 et une grande partie de ses châssis sont encore d’origine. Ils fêtent donc leurs 60 ans. On imagine sans peine leur “efficacité énergétique”. Cet énorme bâtiment abrite la HEL aux 3e, 4e, 5e et 6e étages, et la promotion sociale aux 1er, 2e et 7e.  Et bien, avec le système de chauffage actuel, on ne sait pas chauffer les différents étages séparément.  Et donc on chauffe les étages de la promotion sociale vides en journée aux horaires de la HEL, et ceux de la HEL en soirée quand il n’y a pourtant plus d’élèves.  On chauffe aussi tout le bâtiment le samedi.  J’ajoute un élément, j’ai visité le bâtiment durant les examens, les locaux étaient largement vides … mais tous chauffés. Nous sommes en 2023 !  Il est quand même impensable que l’on n’ait pas encore investi dans un mécanisme plus adapté (des circuits de chauffe mieux pensés, et/ou des systèmes de vannes dites intelligentes contrôlables individuellement à distance) permettant de chauffer juste les locaux qui sont occupés quand ils sont occupés.  Cela relève du bon sens. En disant cela je ne vise aucunement les agents qui gèrent le système existant dans le cadre qui leur est donné. J’ai aussi visité ce service et ils font comme ils peuvent. Dois-je ajouter que pour l’électricité, on demeure aussi avec les éclairages “d’époque” (pas le moindre LED), et que pour l’eau, l’énorme quantité d’eau récoltée sur les toitures du bâtiment (où ne figure pas un seul panneau solaire) va directement aux égouts plutôt que d’être utilisée pour alimenter les toilettes, voir tous les sanitaires moyennant l’ajout d’un système de potabilisation comme il en existe désormais.

Cet exemple n’est pas isolé, si j’ose l’expression. Je reviendrai sur les autres bâtiments de la HEL que j’ai visité lorsque l’on abordera ce point sur l’enseignement, mais à titre d’exemple pour l’enseignement secondaire les énergies représentent désormais plus de 55% de toutes les dépenses ordinaires de fonctionnement.  C’est plus de 66% dans le fondamental.  C’est quasi 80% dans le supérieur. Et ces chiffres sont constants par rapport à 2022. Les profs ont besoin de craies, de manuels, de tableaux, d’équipements divers, c’est quand même triste de voir les budgets de fonctionnement engloutis à ce point par les dépenses énergétiques.

Pour le gaz, je rêverais d’une unité de biométhanisation rue de la tonne ou d’un accord avec Intradel pour valoriser nos déchets verts mais en gros nous sommes largement dépendant de gaz étranger et donc de ce qui se passe sur les marchés (vu le choix funeste de libéraliser ce secteur).  Mais alors, pourquoi continuer en 2023 d’installer exclusivement des chaudières au gaz ? Travaillons à sortir de cette dépendance.  Installons des pompes à chaleur couplées à des panneaux photovoltaïques par exemple. Ou des systèmes valorisant la biomasse produite localement.

S’agissant de l’électricité produite largement chez nous (avec des centrales nucléaires amorties), rien sinon les jeux de spéculation propres aux secteurs libéralisés ne peut justifier la hausse des prix que nous avons connue. Et c’est pourtant un bien de première nécessité. Mais dès lors, comme le font certaines communes, investissons dans des systèmes de production propres. On a vu par exemple que la coopérative Cociter pratiquait des prix plus bas que les acteurs privés … mais aussi qu’elle demeurait limitée dans ses moyens d’action.  Vu la taille de notre ville, soyons un levier pour des initiatives de ce type.  Et nous avons à Liège des acteurs coopératifs actifs dans ce secteur.

Sur l’eau, je l’ai évoqué, nous avons besoin d’un véritable plan de récupération des eaux de pluie dans les bâtiments communaux.  Cela permet des économies … et en plus cela agit comme un tampon si de nouveaux épisodes de pluies intenses devaient survenir, et ils surviendront en raison du dérèglement climatique.

Et donc en matière énergétique, nos demandes sont les suivantes :

  1. Nous n’avons pas avancé suffisamment vite dans la réduction de la consommation énergétique de nos bâtiments. Depuis 2005, nous avons connu en moyenne une baisse des émissions de C02 pour nos bâtiments de moins de 2% par an et au départ d’une situation très mauvaise. Nous devons clairement mettre un coup d’accélérateur. Il y a des avancées (vous citerez assurément la cité administrative financée grâce à des fonds Feder) mais nous avons accumulé un gros retard qui commence à nous coûter très cher. J’ai déjà évoqué l’an dernier le fait que pour certains appels (type UREBA) il faut pour être éligible atteindre un nouveau d’isolation (pour être précis un coefficient de transmission thermique entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment, ce que l’on appelle le facteur ‘K’) qui est souvent hors d’atteinte pour des bâtiments trop vétustes comme les nôtres.  Résultat, nous rentrons peu de projets. Beaucoup moins que Mons ou Charleroi. La ville dispose désormais d’un nouvel audit énergétique (NB: dont j’ai sans succès demandé une copie, ce que je regrette comme élu)  Il nous dit où nous sommes, l’état de nos bâtiments mais pas ce que nous allons faire. Il faut désormais sortir d’une stratégie trop faite d’opportunités au cas par cas, et établir un plan d’action.  Même pour démontrer notre impécuniosité, ce serait utile. A titre de comparaison, Charleroi a signé en 2022 un contrat de performance énergétique dans lequel la ville s’engage à une économie de plus de 51% de l’énergie primaire consommée dans ses bâtiments, ce qui revient à une réduction de 58% d’émission de gaz à effet de serre. Je ne vais pas faire le détail de tout mais on parle de 29.000m² de toitures isolées ou rénovées, 26.000 m² de façades isolées (avec des isolants majoritairement biosourcés), 11.000 m² de châssis remplacés par des châssis double vitrages performants, des chaufferies rénovées avec notamment l’installation d’une chaudière biomasse, des “relightings” effectués sur la majorité des sites, la ventilation modifiée ou installée sur la quasi-totalité des sites, des productions d’énergie renouvelable à base de panneaux photovoltaïques pour une puissance totale de 1.4MWc. Les travaux débutent cette année et seront finis pour 2025.​ ​ 50% en 3 ans. ​Ce qui est possible à Charleroi doit l’être aussi à Liège, et à plus grande échelle encore. Et désolé mais poser ce constat, ce n’est pas du bashing, c’est démontrer qu’il est possible de faire autrement.
  2. Il faut une action spécifique sur les bâtiments scolaires. On le voit, les coûts énergétiques y absorbent toutes les dépenses de fonctionnement. J’ai pris l’exemple du plus grand d’entre eux, Hazinelle.  Je sais qu’on voit apparaître une première petite enveloppe cette année mais il faut un plan général pour rénover ce bâtiment sans plus attendre. Pas juste des châssis sur un pignon.  Mais tout isoler, revoir le système de chauffage, repenser l’éclairage, mettre des panneaux solaires, réaffecter ses sous-sols, etc,…. C’est aussi nécessaire pour être attractif. Aujourd’hui, on a des voitures garées dans la cour, laquelle sert aussi de parc à conteneurs improvisé, et pour une raison assez mystérieuse qui m’échappe, on rentre dans le bâtiment par le garage car l’entrée principale (qui se trouve juste en face d’un futur arrêt de tram) a été condamnée est affectée à une autre tâche (très louable mais pourquoi là).  
  3. Comment financer ces travaux ? On doit bien évidemment espérer que les moyens régionaux et de la FWB vont croître comme ils le font déjà.  Et que les critères mis nous permettront de davantage déposer de dossiers.  Mais cela ne suffira pas.  C’est pourquoi nous proposons, comme nous l’avons déjà fait l’an dernier, sans effet à ce jour, de travailler sur base du modèle dit du “tiers investisseur”.  Si ce modèle a pu être évalué comme trop coûteux par le passé.  Vu le niveau des coûts énergétiques aujourd’hui nous pensons que ce n’est plus le cas.  17.5 millions d’euros par an, je le rappelle.  Nous vous demandons d’étudier cette piste.
  4. Une autre fenêtre s’ouvre à nous, c’est l’argent issu de la vente de VOO.  Nous souhaitons que les fruits de la vente de VOO que ce soit ceux qui nous reviendrons directement (entre 10 et 20 millions d’euros), ou ceux qu’il a été décidé de dédier spécifiquement au financement de communauté d’énergie et à l’optimisation énergétique des bâtiments publics (100 millions) servent de boost pour avancer sur une rénovation très accélérée de nos bâtiments. Nous plaidons notamment pour que nous soyions attentifs aux appels que la SOCOFE va lancer.
  5. Je l’ai déjà dit, nous pensons que la Ville doit aussi se muer en producteur d’électricité.  J’ai évoqué les panneaux photovoltaïques sur les bâtiments de la Ville.  Il faudrait se fixer un objectif ambitieux de m2 installés chaque année.  Pourquoi ne pas étudier également sérieusement l’installation d’éoliennes sur des sites plus industriels de la Ville (ile Monsin, parc scientifique,…).
  6. Enfin, le budget 2022 annonçait de possibles avancées sur la géothermie à Droixhe, nous souhaiterions que cela se concrétise.  Idem pour l’extension du réseau de chaleur qui ne peut se limiter à quelques “happy fews” dans le futur éco-quartier de Coronmeuse.

Nous connaissons tous le contexte financier très compliqué dans lequel est notre ville.  Mais je voudrais ici reprendre une des conclusions principales du dernier rapport du GIEC “investir coûtera moins cher que réparer”.  C’est vrai pour le climat, et plus prosaïquement, c’est vrai aussi pour nos finances.

Pierre Eyben pour le groupe Vert Ardent

Intervention au conseil communal du mercredi 29 mars 2023

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