Madame la Présidente du Conseil, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevines, échevins, conseillèreset conseillers communaux, chers collègues du CPAS,

Il faut cesser de se voiler la face. Aujourd’hui, les problèmes de précarité explosent à Liège. Selon le SPF Intégration Sociale, entre 2012 et 2018, le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration sociale à Liège a augmenté de près de 50 %. C’est à partir de décembre 2014 que les besoins explosent le plus. Cette période correspond en effet au durcissement de ce qu’on appelle communément la “chasse aux chômeurs”. Le nombre de dossiers à traiter au CPAS ainsi que les besoins des usagers augmentent, c’est un fait. Les besoins augmentent. Mais les moyens pour y répondre ne suivent malheureusement pas. Si le budget global a bien augmenté c’est toujours en lien avec des projets spécifiques mais qui ne prennent pas en compte les frais de fonctionnement quotidiens. On ballotte les agents de projets en projets pour répondre aux subventions mais on ne fait pas attention à la cohérence des missions de service public auxquelles doivent répondre le CPAS.  Dès lors, de plus en plus de liégeois restent parfois plusieurs mois sans revenus à cause du non-respect des délais légaux de prise de décision. De plus en plus de liégeois n’arrivent pas à payer leurs factures d’énergie et de plus en plus de Liégeois se retrouvent à la rue.  Arrêtons la politique de l’autruche Monsieur le Bourgmestre.

Vert Ardent demande une augmentation de la dotation de la ville en faveur du CPAS de 2,5 millions d’euros pour engager du personnel afin de pouvoir répondre à l’augmentation des besoins sociaux.

Nous demandons cette augmentation, laquelle ne représente même pas 0,5% du budget total de la ville, pour plusieurs raisons :

  • La première d évidemment pour soulager la misère de plus en plus de liégeoises et de liégeois qui n’arrivent plus à s’en sortir et dont la détresse est extrême.
  • La deuxième raison réside dans la nécessité de soutenir les travailleurs du CPAS qui croulent sous les dossiers.
  • Et enfin, nous formulons également cette demande pour soulager tous les travailleurs mais aussi les très nombreux bénévoles du secteur associatif qui donnent de leur temps sans compter et qui nous affirment et confirment que leur charge de travail ne cesse d’augmenter et qu’ils ne sont plus en capacité de répondre aux besoins croissants. Monsieur le Bourgmestre, il n’est déjà pas normal que le secteur associatif doive pallier à ce point les missions du service public. Qu’il soit lui-même débordé montre à quel point la situation est critique !

Alors, nous avons lu la déclaration de politique sociale. Vert Ardent peut se réjouir des axes de travail et des focus qui ont été déterminés dans la déclaration de politique sociale : les usagers au cœur du CPAS, un CPAS au cœur de la ville, un service public responsable et efficient, avec un focus particulier sur les politiques de sans-abrisme et sur les jeunes. Nous estimons toutefois que certaines notions manquent de précision et qu’il est impossible d’évaluer les impacts réels de ces belles intentions exprimées. Et puis, le problème principal de cette DPS est que le CPAS de Liège n’a pas les moyens de ses ambitions. Les besoins sociaux ont tellement augmenté ces dernières années que force est de constater que le CPAS n’a même pas les moyens lui permettant de répondre à la pression sociale actuelle.

Pour nous il devient urgent de respecter les délais d’octroi, de s’occuper sérieusement de la précarité énergétique et de faire de notre ville une ville 0 sans-abrisme.

En plus de ces priorités nous aimerions développer différents éléments de réflexion qui justifient l’augmentation budgétaire que nous demandons.

Parlons de l’efficience de l’Institution.

Le bon fonctionnement d’une institution tel qu’un CPAS passe nécessairement, par la mise à disposition d’un personnel suffisant. C’est principalement pour cela que nous demandons un refinancement. Les quelques semaines écoulées depuis le début de législature nous ont montré les conséquences néfastes du manque de personnel et de moyens sur l’efficacité du centre :

  • Dépassement de délais légaux pour l’examen de demandes d’aide
  • Inaccessibilité des services par téléphone
  • Limitation de projets d’accompagnement des bénéficiaires
  • Difficultés rencontrées dans la qualité de l’accueil
  • Personnel débordé, saturé, régulièrement en burn-out, avec un turn-over important

 

Monsieur le Bourgmestre, vous qui connaissez bien la législation sociale, en particulier celle qui encadre l’action des CPAS, vous savez évidemment que le délai pour obtenir une décision lors d’une demande de RI est légalement d’un mois. Et comme vous avez une excellente connaissance de votre ville, vous savez aussi que ce délai est très fréquemment dépassé de plusieurs semaines jusqu’à parfois  3 ou 4 mois.

Il en résulte une insuffisance du service et parfois même l’aggravation de la situation de certains usagers qui attendent tout simplement de pouvoir bénéficier de leurs droits à percevoir une aide. Avec des conséquences terribles : des personnes se retrouvent parfois à la rue à cause du non-respect de ces délais. Bref des constats aux antipodes de l’efficacité et qui s’expliquent principalement par un manque de personnel face à une forte augmentation de la charge de travail.

De nombreux mouvements au niveau du personnel nous ont été signalés, ce qui est également préjudiciable à l’efficacité du service. Il nous semble qu’il faut sérieusement s’interroger sur les raisons de ces mouvements et veiller à l’attractivité des fonctions. Nous parlons ici de bien-être au travail, de sentiment de faire un travail juste et utile, de travailler de manière sereine.  Quel peut être ce sentiment quand on croule sous les piles de dossiers ? Quand le travail se concentre sur l’octroi du RIS et le contrôle social, ne laissant ainsi que trop peu de temps pour un véritable accompagnement des bénéficiaires ?

Parlons maintenant de la précarité énergétique

Surprise, elle ne cesse d’augmenter ! Elle est peu visible et pourtant très variée : un couple de pensionnés n’arrivant plus à chauffer une maison trop grande, une mère de famille cumulant les boulots interim pour joindre les deux bouts… Une coupure de gaz ou d’électricité pour factures impayées entraîne une dégradation de l’habitat (humidité), des problèmes de santé (refroidissement, fatigue, pneumonies,…). Beaucoup de liégeoises et de liégeois résident dans des logements dont la facture énergétiquesemble démesurée. Nombre de ces personnes étant incapables de joindre les 2 bouts, il arrive que certains fassent appel au service énergie et au service éco-logement de notre centre. Mais plutôt que d’assumer les factures énergétiques de ces logements, nous ferions mieux de proposer à ces bénéficiaires des logements sociaux répondant à des normes de consommation énergétique correctes, et ce tant d’un point de vue économique qu’environnemental.

Nous nous sommes aperçu en lisant le dernier rapport de l’inspection fédérale qu’en 2017,  1/3 des subventions du fonds gaz et électricité n’a pas été utilisé. La législature précédente, face à ces constats, notre chef de groupe à l’action sociale, André Verjans ici présent,n’a cessé de demander des moyens supplémentaires pour cette cellule énergie, sans bien sûr obtenir gain de cause. Mais tout cela ne fait que reporter et aggraver les problèmes et donc leur coût global.

Ici aussi, un refinancement du CPAS permettrait aux agents de souffler afin d’aborder au mieux les missions du service public qui leur sont dévolues.

Parlons maintenant du sans-abrisme

Un effort particulier doit être fait sur la prévention du sans-abrisme. La rue doit être évitée à tout prix. Il existe encore bien trop peu de logements sociaux à Liège, il faut les augmenter. Il faut aussi augmenter l’offre de logements d’urgence, de transit et de maisons communautaires, bien insuffisante face aux besoins actuels. Encore récemment, il nous a été signalé le cas d’une femme enceinte de 5 mois se retrouvant à la rue à qui il n’était proposé que l’abri de nuit… faute de place. Liège a déjà des outils en main, elle doit les déployer.

Nous plaidons également pour un renforcement de l’action de l’agence immobilière sociale dont le parc est beaucoup trop faible pour une ville de 200 000 habitants. Un simple exemple Monsieur le Bourgmestre : comment expliquer que le parc immobilier de l’AIS de Liège s’élève à environ 150 logements alors que celui de l’AIS de Namur c’est 307 logements et qu’à La Louvière ils en ont même 342 ! Vous imaginez ? L’AIS de Namur a plus du double de logements que celle de Liège !!!

Quant aux jeunes, des maisons communautaires avec accompagnement pourraient permettre une mise en autonomie progressive basée sur la solidarité et la responsabilisation. Cette solution peut aussi être utilisée pour un public souffrant de troubles psychiatriques. Il y a un réel manque concernant l’accueil de ce public, les établissements non-agréés comme la Villa Blanche ou la maison Bien-être en sont la preuve.

Nous savons tous que la solidarité est le meilleur rempart contre la précarité et l’isolement. De manière générale, nous estimons dès lors qu’il faut soutenir des initiatives de cohabitation et d’aides au logement aussi par des personnes privées plutôt que de les sanctionner en refusant dans de tels cas un taux isolé de revenu d’intégration sociale. Nous souhaitons également que le CPAS favorise les dynamiques de solidarité et interprète favorablement des situations de colocation afin de permettre, lorsque cela se justifie, l’octroi de RIS au taux isolé à des personnes partageant un même logement.  Le système devrait favoriser les solidarités interpersonnelles au lieu de les empêcher.  Pour rappel, pour être considéré comme cohabitant, il faut faire ménage ensemble et obtenir un avantage économique qui dépasse le simple partage du loyer.

Il est parfois demandé à notre centre d’apporter une aide en dehors du cadre strict de la loi. Notamment concernant des migrants en attente d’une décision du conseil du contentieux ou enregistrés dans d’autres États européens. Nous estimons que notre centre doit accorder une aide quand une situation humanitaire se présente.  Notre mission de base étant de permettre à chacun de vivre dignement dans le respect des droits fondamentaux économiques, sociaux et culturels.

En parlant de droits fondamentaux, je finirai par le respect de la vie privée des bénéficiaires dans le cadre du contrôle exercé lors de l’enquête sociale. Si nous comprenons qu’on ne peut accorder une aide sans vérifier que le requérant se trouve dans les conditions légales, il nous semble que des lignes directrices visant au respect des droits fondamentaux pourraient éviter certaines situations intrusives mal vécues par des citoyennes et des citoyens se trouvant dans le besoin et la détresse sociale. Je ne suis pas sûr que tout le monde dans cette salle apprécierait une fouille de salle de bain, de garde manger ou de frigo. Je suis pas sûr que tout le monde dans cette salle serait prêt à fournir l’ensemble de ses extraits de compte. N’oublions pas le principe de proportionnalité.

Un dernier mot sur le sans-abrisme. Monsieur le Bourgmestre, vous déclarez régulièrement que la problématique des sans-abris dépasse la seule ville de Liège et qu’elle devrait être prise en compte au niveau de l’arrondissement. Et bien, nous sommes parfaitement d’accord avec vous sur ce point et c’est ce qui ressort également du terrain. Mais alors, vous qui êtes président de Liège Métropole, la conférence des bourgmestres de notre arrondissement, nous vous le demandons officiellement : s’il vous plaît, mettez ce point à l’ordre du jour de Liège Métropole et avançons ! Faisons de cette problématique un réel débat public et commençons par organiser ici même, au conseil communal de Liège, un débat politique sur cette problématique spécifique.  Vert Ardent en fait la demande.

Enfin, nous terminerons cette déclaration par un mot concernant toutes ces bénévoles et tous ces bénévoles qui au jour le jour, dans notre ville, apportent du temps et du travail pour soulager la détresse sociale de nombre de nos concitoyens. Je ne sais pas quel serait l’état de notre cité et de sa population sans l’action de l’associatif et de tous ses bénévoles. La semaine passée, nous rencontrions des responsables associatifs actifs dans l’aide alimentaire. Dans l’une de leurs 7 antennes sur la seule ville de Liège, en 2010 ils avaient distribué 98 colis. En 2018 ils sont à plus de 500 ! Ces associations sont même devenues des partenaires tellement proches du CPAS que celui-ci renvoie parfois directement vers elles pour certaines problématiques spécifiques ! Aujourd’hui dans la Meuse, nous apprenons que le projet d’infirmières de rue va être financer par un crowfunding ! Donc le pouvoir public n’est semble-t-il pas capable de financer un tel projet nécessaire ? Un seul constat, sans les associations et leurs bénévoles, notre ville ne s’en sortirait tout simplement pas. Est-ce normal ? Poser la question, c’est y répondre.

Nous espérons que ces remarques seront entendues et que nous pourrons travailler tout au long de cette législature en bonne intelligence avec nos sensibilités politiques diverses, ville et CPAS, pour la réalisation d’objectifs communs. Il s’agit de faire fonctionner de manière efficace l’un des CPAS de Wallonie les plus sous pression et devant faire face à une augmentation significative de la précarité globale de la population.

En conclusion, c’est simple : plus qu’une indexation d’1,25 %, il faut clairement une augmentation de la dotation communale de 2,5 millions. Vous allez probablement nous répondre : «on fait ce qu’on peut » ! Mais bien sûr qu’on fait ce qu’on peut, mais nous vous disons, là, maintenant, il faut faire plus pour permettre à une population en difficulté de rebondir et de ne pas s’enliser dans la précarité. Monsieur le Bourgmestre, chers membres du collège et du conseil, nous comptons sur vous pour faire un geste, non pas de charité, mais un geste durable. Nous serons vos alliés dans ce défi, y compris pur relayer ces préoccupations vers d’autres niveaux de pouvoir, mais surtout, durant les années qui viennent, nous serons les alliés du personnel du CPAS, de l’associatif à qui on demande plus sans donner les moyens et surtout des Liégeois et des Liégeoises qui ont chacun et chacune droit à un revenu et un logement.

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