Madame la Présidente du Conseil, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevines, échevins, conseillères et conseillers communaux, chers collègues du CPAS.

Pour commencer, le groupe Vert Ardent souhaite exprimer publiquement toute sa solidarité avec les milliers de liégeois.es qui aujourd’hui souffrent de la pauvreté et de la précarité. Toujours en préambule, le groupe Vert Ardent souhaite également exprimer toute sa reconnaissance et ses encouragements aux travailleuses et travailleurs du CPAS de Liège et des services de la ville qui, au jour le jour, et en particulier dans le cadre de la période de crise pandémique que nous vivons, apportent des solutions aux problèmes auxquels la cité ardente fait face.

En janvier 2019 nous pointions déjà le fait que les problèmes de précarité explosaient à Liège. Pour rappel, selon le SPF Intégration Sociale, entre 2012 et 2018, le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration sociale à Liège a augmenté de près de 50%. C’est surtout les effet des mesures dites de « chasse aux chômeurs » que l’on a vu apparaître à partir de décembre 2014.

Le nombre de dossiers à traiter au CPAS ainsi que les besoins des usagers augmentent depuis ce moment, c’est un fait. De nombreux liégeois restent toujours plusieurs mois sans revenus à cause du non-respect des délais légaux de prise de décision. C’est une problématique dont nous sommes tous conscient et nous devons avoir la volonté tous ensemble d’y remédier !

Vert Ardent continue, comme il le fait depuis le début de cette législature, de demander une augmentation de la dotation de la ville en faveur du CPAS afin de pouvoir répondre à l’augmentation des besoins sociaux. Et encore plus en cette période très difficile liée à la pandémie du covid-19.

Cette année le CPAS va pouvoir engager quelques personnes supplémentaires pour traiter les dossiers. Mais ces engagements ne sont que le résultat de l’augmentation du nombre de dossiers. C’est donc le fédéral qui prend en charge ce renfort de personnel. Or, s’il y a une augmentation des dossiers RIS, il y a également un augmentation corollaire des dossiers d’aides sociales. Mais pour cela, pas d’augmentation de personnel.

Pourtant, la ville pourrait faire de même et s’aligner sur le fédéral en augmentant également la dotation communale pour faire face à ces besoins supplémentaires. Il semble en tout cas que d’autres grandes villes en Wallonie prennent la mesure de la situation. Pour prendre un exemple, la ville de Charleroi a décidé d’augmenter cette année sa dotation au CPAS à hauteur de 6 millions d’euros. La politique sociale d’une ville passe aussi par ce genre de mesure.

La crise covid a déjà de lourdes conséquences sur la situation sociale globale. Mais nous pensons que cela ne va pas s’améliorer. Pour l’instant, il semble que les indépendants ne se tournent pas encore vers le CPAS, mais vu les fermetures de nombreuses activités d’indépendants cette année, nous craignons de voir arriver une vague de demande supplémentaires en provenance de nombreux indépendants. Cette vague risque d’arriver dès la fin du moratoire sur les faillites. Et il faudra y répondre !

De même, nous craignons une augmentation des dossiers étudiants puisque la plupart de ceux-ci ont perdus les jobs étudiants qu’ils occupaient. À ce propos, la présidente d’Ecolo Rajae Maouane a récemment fait la proposition un revenu universel pour les jeunes de 18-26 ans afin de compenser les pertes de job étudiants. Ce qui soulagerait aussi les finances des CPAS ! Il semble qu’un jeune sur 3 n’ait actuellement plus de job étudiant et l’on parle de plus d’un jeune sur deux qui subit une humeur dépressive actuellement à cause de la crise sanitaire. Sachant que 25% des RIS du CPAS de Liège concernent des jeunes de moins de 25 ans, cela a forcément un impact sur nos bénéficiaires.

Les CPAS devront également faire face dans les mois qui viennent aux personnes mises au chômage qui risqueraient de perdre leurs droits dans les mois et années qui viennent suite aux conséquence économiques liée à la pandémie. Il faut donc se préparer à devoir faire face à une augmentation des besoins sociaux encore plus forte.

Il faut pouvoir soulager la détresse sociale et la précarité dans laquelle se trouvent de nombreux liégeois et liégeoises. Il faut aussi pouvoir soutenir les travailleurs du CPAS qui croulent sous les dossiers et qui ont aussi fait preuve d’une grande capacité à s’adapter dans le cadre de cette pandémie. Nous profitons d’ailleurs de cette déclaration pour une fois encore les remercier et les féliciter pour leur travail quotidien. C’est grâce à tout le personnel du CPAS et des services de la ville engagés dans les dossiers de problématiques sociales que notre ville est capable d’apporter une réponse à une partie des nombreux problèmes sociaux qui la concerne.

Mais nous voulons aussi rappeler ce que nous pointons depuis le début de cette législature, à savoir le fait que de nombreuses problématiques sociales sont prises en charge, à Liège, par de très nombreux bénévoles du secteur associatif. Ce qui est en fait un indicateur qui montre que les politiques publiques ne sont pas suffisantes. Il n’est toujours pas normal que le secteur associatif doive pallier à ce point aux missions du service public.

Nous sommes bien conscients des difficultés croissantes des finances communales en Wallonie et en particulier dans une ville comme Liège. Et le dossier de la charge des pensions continue d’être une préoccupation majeure à ce sujet. Il faut continuer une réflexion à moyen et long terme sur ce sujet pour dégager des solutions car tant la Ville que le CPAS sont fortement impactés par la cotisation de responsabilité.

La proposition de Monsieur Magnette ce jour dans Sudpresse de mutualiser au niveau régional la part communale du coût du revenu d’intégration sociale est une bonne déclaration d’intention. Encore faut-il que la Région puisse dégager des moyens évidemment. Et il est clair que les communes en auraient bien besoin. Mais ce ne serait là que régionaliser une problématique abandonnée par le fédéral, en particulier depuis le transfert de charge opéré par le fédéral il y a quelques années lors de la mise en place de la « chasse aux chômeur ».

En effet, la Fédération des CPAS s’est toujours prononcée pour une prise en charge intégrale par le fédéral du RIS. Pourquoi ne pas continuer à demander cela ? Quoi qu’il en soit, il me semble difficile pour la région wallonne de ne pas passer par le comité de concertation afin de trouver une solution à cette question. Et on sait déjà d’où proviendront les principales résistances. C’est par ailleurs, si mes sources sont exactes, une idée qui avait déjà été proposée auparavant par un précédent Président de notre CPAS, à savoir Claude Emonts. Ce n’est donc pas une idée neuve.

Relevons tout de même que cette proposition concerne la part communale du RIS et non pas les autres dépenses des CPAS liées aux dotations communales. Or les besoins liés à ces dernières sont aussi en augmentation et ce sont ces politiques qui permettent également d’apposer une orientation politique dans un sens ou dans un autre aux objectifs qu’on se donne en matière de politiques sociales dans une grande ville telle que Liège. Il faudra voir comment le Gouvernement wallon se situera par rapport à cette proposition. Ça ne règle certainement pas tout, mais ce serait un bon signal. Ce serait encore mieux si le fédéral prenait ses responsabilités !

La crise Covid-19 aura des conséquences dans les mois qui viennent, voir dans les années qui viennent. Et en particulier cet hiver. Alors que les prochains mois s’annoncent très durs pour les plus précaires, une série d’associations justement sont également dans une situation très délicate sous l’effet combiné d’une baisse de leurs bénévoles, et de mesures sanitaires qui limitent leur capacité d’accueil. Ainsi, Thermos a récemment annoncé que la capacité d’accueil du centre de nuit va être réduite de moitié, pour espacer les lits dans les dortoirs.

Or les besoins en lits d’accueil ne sont pas en diminution. Pour Vert Ardent, il est donc indispensable de compenser a minima cette baisse et de nous inspirer de dispositifs encore non testés à Liège. Depuis plusieurs années, nous plaidons pour l’ouverture d’un hôtel solidaire, qui permet un accueil en chambre individuelle. Certaines villes signent des accords avec les propriétaires de logements inoccupés pour accueillir quelques mois durant des personnes SDF, ou réquisitionnent des logements vides de longue date. La Ville elle-même, dans la Déclaration de politique communale, s’engageait à ouvrir un second abri de nuit et à augmenter le nombre de place d’accueil. Il y a urgence et nous pouvons encore anticiper.

La ville doit proposer des actions pour faire face à cette situation exceptionnelle. Une coordination renforcée des acteurs et des contacts avec les pouvoirs régionaux et fédéraux doivent être à l’ordre du jour. Et l’ouverture d’un « hôtel solidaire » nous semble faire partie des actions et des solutions à proposer.

À ce propos, nous nous réjouissons des premiers contacts qui ont eu lieu concernant l’actuel abris de nuit. Nous souhaitons encourager la ville à soutenir le projet du CPAS concernant cet abris de nuit et sa mise en conformité à court terme et concernant l’aménagements des étages à moyen terme. Il faudra également une bonne coordination entre la ville et le CPAS pour proposer un projet solide et notamment pour mobiliser les divers subsides qui pourraient être affectés à ce projet aux différents étages régioanux ou fédéraux.

Un mot sur la précarité énergétique et l’utilisation du fond gaz et électricité. En 2017, 1/3 des subventions du fonds gaz et électricité n’a pas été utilisé. La législature précédente, face à ces constats, notre chef de groupe à l’action sociale, André Verjans ici présent, n’a cessé de demander des moyens supplémentaires pour la cellule énergie. Il semble que l’utilisation du fond s’est quelque peu améliorée des dernières années, mais il faut poursuivre les efforts en ce sens.

Nous voudrions également rappeler que nous demandons depuis le début de la législature un renforcement de l’action de l’agence immobilière sociale de Liège dont le parc est beaucoup trop faible pour une ville de 200 000 habitants. Pour rappel, le parc immobilier de l’AIS de Liège tourne autour de 150 à 200 logements alors que celui de l’AIS de Namur c’est plus de 300 logements et qu’à La Louvière ils en ont même près de 350 ! L’AIS de La Louvière a donc près du double de logements que celle de Liège !!! Pour rappel, il y a plus de 2200 logements inoccupés sur Liège. Il y a donc une marge de progression significative.

Rappelons également notre volonté de travailler à trouver une solution plus durable concernant le public qui n’a d’autres choix que de se tourner vers ce que les établissements non-reconnus et non-agréés comme la Villa Blanche ou la maison Bien-être. Nous faisons face chaque semaine à cette problématique en comité spécial de l’aide sociale. Pourtant, bien que le constat soit là, et bien que nous soyons tous globalement d’accord sur le fait que l’argent public serait mieux investit si nous prenions ce problème à bras le corps, il n’y a toujours pas de solutions en vue.

Comme nous le disions déjà en 2019, nous savons tous que la solidarité est le meilleur rempart contre la précarité et l’isolement. De manière générale, nous estimons dès lors qu’il faut soutenir des initiatives de colocation et d’aides au logement aussi par des personnes privées plutôt que de les sanctionner en refusant dans de tels cas un taux isolé de revenu d’intégration sociale.

Nous souhaitons également que le CPAS favorise les dynamiques de solidarité et interprète favorablement des situations de colocation afin de permettre, lorsque cela se justifie, l’octroi de RIS au taux isolé à des personnes partageant un même logement. Le système devrait favoriser les solidarités interpersonnelles au lieu de les empêcher. Pour rappel, pour être considéré comme cohabitant, il faut faire ménage ensemble et obtenir un avantage économique qui dépasse le simple partage du loyer.

Nous savons que cette volonté de se rapprocher d’un système basé sur l’individualisation des droits est partagée par de nombreuses personnes ici présentes. Le président du CPAS s’est d’ailleurs clairement positionné en faveur de l’individualisation des droits lorsqu’il a pris ses fonctions. Et nous tenons à l’en féliciter. Alors c’est globalement un sujet qui doit se régler au niveau fédéral bien évidemment. Mais dans les décisions que nous prenons, que ce soit au comité, au conseil, ou dans la politique de la ville, une interprétation de la loi qui tend vers l’individualisation des droits serait une bonne chose et bien que cette matière soit une compétence fédérale, sur le terrain, dans les interprétations que nous faisons de la loi dans nos décisions, nous avons un pouvoir d’orientation en faveur de l’individualisation des droits. Il faut en user !

Nous voudrions une nouvelle fois revenir sur un élément que nous pointons régulièrement en matière de sans-abrisme. Monsieur le Bourgmestre, vous déclarez régulièrement que la problématique des sans-abris dépasse la seule ville de Liège et qu’elle devrait être prise en compte au niveau de l’arrondissement. Et, vous le savez, nous sommes parfaitement d’accord avec vous sur ce point et c’est ce qui ressort également du terrain. Vous êtes par ailleurs toujours actuellement président de Liège Métropole, la conférence des bourgmestres de notre arrondissement. Nous vous demandions officiellement déjà en 2019 de mettre ce sujet à l’ordre du jour de Liège Métropole. Qu’en est-il aujourd’hui ? Avez-vous avancé sur ce point ?

Enfin, autre thématique à dimension supracommunale, le patrimoine foncier du CPAS et de la ville. LE CPAS est propriétaire de nombreuses terres agricoles. Si l’on peut comprendre une volonté de rationaliser ce patrimoine foncier afin de le limiter à l’hinterland liégeois, il nous semble essentiel d’orienter  l’utilisation de ces terrains dans le cadre de la ceinture alimentaire liégeoise. En effet, il est bien connu et nous le répétons régulièrement tant au conseil communal qu’au conseil de l’aide sociale, que de nombreuses difficultés concernant l’augmentation de la résilience alimentaire proviennent de difficultés d’accéder à la terre. Il y a donc clairement des leviers dans les mains de la ville et du CPAS à travers leur patrimoine foncier, afin de travailler à cela. Et la proposition de régie communale alimentaire de Vert Ardent s’inscrit notamment dans ce cadre.

En conclusion, nous espérons que nos remarques de ce jour seront entendues car comme vous le savez, l’objectif de Vert Ardent est de contribuer à faire fonctionner de manière efficace une des villes de Wallonie les plus sous pression en matière de politiques sociales et devant faire face à une augmentation significative de la précarité globale de la population.

Aujourd’hui plus que jamais avec ce contexte de pandémie, il s’agit de permettre à une population en difficulté de rebondir et de ne pas s’enliser dans la précarité. Vert Ardent sera toujours un allié pour apporter des solutions à ces défis, y compris pour relayer ces préoccupations vers d’autres niveaux de pouvoir. Et nous continuons à être les alliés des Liégeois et des Liégeoises qui ont chacun et chacune droit à un revenu, à un logement et à des conditions de vie décentes.

Matthieu Content, Martine Grooten et André Verjans, conseiller.e.s à l’Action Sociale pour le Groupe Vert Ardent

Intervention au Conseil Commun Ville-CPAS du 14 décembre 2020

 

Facebooktwitter