Je me suis attelé au nom du groupe Vert Ardent à analyser notre budget enseignement.

L’enseignement, c’est un des secteurs de première ligne ces derniers mois. Et c’est un secteur qui, à Liège, n’a pas le sentiment d’avoir l’attention qu’il mérite. Toutes et tous, conseillers communaux, nous avons reçu ces dernières semaines des dizaines et des dizaines de messages nous demandant 3 choses :

  1. Augmenter le montant du budget communal consacré à l’Instruction publique pour pouvoir continuer à dispenser un enseignement de qualité ;
  2. Mettre en place d’un fond d’investissement permettant la rénovation rapide des bâtiments scolaires ;
  3. Retirer les coupes budgétaires prévues dans l’enseignement communal liégeois.

Au coeur de ces craintes (fondées ou non j’y reviendrai) se trouve notamment la situation de la HEL qui voit son nombre d’élèves et en conséquence sa dotation baisser ce qui est compensé quasi exclusivement à ce jour par une diminution intenable du nombre de professeurs. Puisque, suite à nos protestations, il a été convenu que nous aurions un débat en janvier sur les très mauvais chiffres de la rentrée scolaire 2020-2021 et un débat sur le fonctionnement de notre PO, je ne vais pas aborder ces aspects ici. Je vais me concentrer sur les aspects budgétaires. Car au-delà des soucis de fonctionnement et de vision que nous aborderons, ils disent l’importance que la Ville accorde à son enseignement.

Si on analyse le budget ordinaire et que l’on compare le budget 2020 au budget 2021, on ne peut pas dire que la ville fait en effort conséquent sur l’enseignement mais pas davantage qu’elle fait des économies sur son dos. Le total des D.O. est en hausse de 2% (34,3 millions d’euros). Essentiellement pour des dépenses de fonctionnement (+5%) et non de personnel (+1.7%). Le budget ordinaire total de la ville est lui en hausse de 1.67%. La part du budget consacrée à l’enseignement (ordinaire) est donc en très très légère hausse, elle passe de 6.13% à 6.15% du budget total. Est-ce qu’il y a des coupes budgétaires dans l’enseignement, la réponse est donc non. Est-ce que pour une année 2021 où les enseignants seront à nouveau en première ligne et auraient besoin de moyens complémentaires un effort spécial est fait ? Non plus.

Il est en outre intéressant de regarder comment ce montant est ventilé entre dépenses générales, dans le fondamental, le secondaire, l’enseignement pour personnes victimes d’un handicap et donc le supérieur.

Les dépenses ordinaires générales qui ne sont pas dédiées à un secteur d’enseignement spécifique (on retrouve là par exemple l’inspection, les services administratifs, ou les prestations de tiers) sont en hausse de 6,5%, elles le sont même de 28% pour les frais de fonctionnement général. C’est ce qui augmente le plus. Cela représente désormais plus de 35% des dépenses ordinaires. C’est beaucoup.

Les dépenses ordinaires budgétées pour 2021 dans le primaire sont elles en légère baisse (0,24%) par rapport à 2020, elles sont en très légère hausse (0,11%) dans le secondaire, technique et artistique. Et une hausse (3%) pour l’enseignement aux personnes victimes d’un handicap (tristement intitulé “enseignement pour handicapés dans notre budget mais comme discuté en commission ceci devrait être amendé rapidement).

Last but not least, on voit que dans l’enseignement supérieur, le budget est par contre en forte baisse, une baisse de quasi 5%. Avec surtout il faut le noter une baisse de plus de 10% des DO de personnel.  Et il faut s’arrêter quelques instants sur ce chiffre.  On sait que la HEL est aujourd’hui occupée à perdre des enseignants sous l’effet couplé du mécanisme d’enveloppe fermée au niveau FWB et de baisse du nombre d’étudiants. On sait, et Monsieur Stassart l’a répété en commission, que la ville a la possibilité d’atténuer la casse sociale en cours à l’aide d’un mécanisme, certes imparfait : celui des professeurs invités. Or que constate-t-on, une baisse de 24% au budget 2021 des dépenses pour les professeurs invités.

Nous demandons donc clairement que vous revoyez votre copie sur ce point. Il faut faire un geste dans le budget 2021 en faveur du personnel enseignant de la HEL !

Il faut aussi un geste sur les dépenses de fonctionnement (en baisse de 1.56% au contraire des autres niveaux d’enseignement). A défaut, ce sera un signal clair témoignant du fait que la ville abandonne la HEL.

La situation est-elle différente si on examine l’extraordinaire ?

La ville compte investir en 2021 des sommes croissantes (+57% par rapport à 2020) dans l’enseignement. Il faut le noter et le Collège l’a d’ailleurs mis en avant dans sa communication. Mais il faut dire aussi que nous touchons des subsides qui croissent plus vite encore (+92%), ce qui prouve d’ailleurs que notre ville n’est pas laissée seule face au défi.

Détaillons à nouveau ces investissements.  La ville compte investir en 2021, 2,4 millions dans ses services généraux (c’est à nouveau là qu’est la plus forte hausse), 3 millions dans le primaire (notamment avec l’école Fernand Dehousse), 2,6 millions dans le secondaire (avec notamment un gros projet à l’Horticulture), pour à peine 420 mille euros dans le supérieur (à Hazinelle et Jonfosse). Cette somme représente une baisse de 17% (des recettes à l’extraordinaire au total) par rapport à 2020. A nouveau donc, la Haute Ecole constitue la cinquième roue du carrosse.

Et je dois dire qu’il y a un autre élément qui fait naître en nous cette crainte d’un désintérêt pour notre HEL, c’est ce qui vient de se produire avec le récent appel à projet wallon UREBA de rénovation des établissements scolaires (50 millions d’euros alloués dont 20 pour les écoles communales au niveau wallon). Sur 24 projets déposés sur Liège ville, 4 seulement sont pour notre PO, le libre sa taillant la part du lion contrairement aux autres communes. Sur ces 4 projets, il y en a 0 pour le secondaire et 0 pour le supérieur. Quand on connaît l’état de certains bâtiments, on se dit que ce n’est pas acceptable et qu’il faut se bouger, via ce mécanisme ou un autre s’il n’est pas adapté (mais il semble l’être pour les autres réseaux).

Monsieur Léonard dont la qualité du travail des services est évidente même pour un membre de l’opposition comme moi, a rappelé en commission que la Ville a fait parfois des efforts d’investissement particuliers, comme pour accélérer l’ouverture d’un musée, pour la cité Zéro carbone qui va nous coûter environ 10 millions d’euros, comme pour nos piscines un dossier sur lequel nous saluons son travail et celui de nos services, comme pour des commissariats. Et c’est très bien. Le temps est venu d’un effort particulier pour nos bâtiments du secondaire et plus encore de la HEL. Oui des sommes plus importantes ont été investies les dernières années, oui certains bâtiments se portent mieux (notamment dans le primaire) mais elles sont clairement insuffisantes, singulièrement pour le secondaire et le supérieur où l’on a laissé des bâtiments se dégrader terriblement. Et cet état des bâtiments, ce n’est pas un “sentiment” comme j’ai pu l’entendre hier, c’est une réalité très terre à terre : des ascenseurs en panne, des installation électriques déficientes, des plafonds instables, des canalisations qui dégagent des odeurs nauséabondes, des châssis qui ne ferment plus, des carrelages instables, des infiltrations d’eau, n’en jetez plus. Je reviendrai sur ce point en janvier avec des demandes et des suggestions.

Ce soir, je voudrais terminer mon intervention au nom du groupe Vert Ardent avec un dernier élément d’analyse du budget enseignement particulièrement marquant : les coûts de l’énergie. On a dans ce budget une démonstration particulièrement crue du fait que ne pas investir dans l’isolation des bâtiments et leur modernisation (notamment pour faire baisser la consommation électrique avec un passage au LED et de la domotique) nous coûte en fait plus cher à terme que de le faire.

Entre le compte 2019 et le budget 2021, on constate une hausse des dépenses d’électricité vertigineuse : +16% dans le primaire, +18% dans le secondaire, +15% dans le spécialisé et +47% dans le supérieur.

Dans le supérieur, pour 2021 les dépenses d’électricité représentent 23% du total des dépenses de fonctionnement, celle de gaz 29%.  Ce sont d’ailleurs les chiffres les plus hauts, notamment pour le gaz ce qui montre sans doute aussi que ce sont les bâtiments les moins bons.  Sans même ajouter l’eau, gaz et électricité représentent 52% des dépenses de fonctionnement dans le supérieur ! C’est 34% dans le secondaire, 42% dans le primaire. En moyenne 40% pour nos bâtiments scolaires.

Sur des frais de fonctionnement annuels pour ces établissements de 8.5 millions d’euros au total, on est à plus de 2 millions d’euros pour le gaz et plus de 1,4 millions pour l’électricité.  C’est 3.4 millions d’euros chaque année ! Soit 40% de ce que la ville va investir. Et cela croît à une vitesse vertigineuse.

Il y a donc là un gisement d’économie gigantesque ! On ne peut plus avoir en 2020, des enseignants qui doivent ouvrir les fenêtres en mars ou avril dès que pointe un rayon de soleil parce que les chauffages, pour lesquels il n’existe pas de régulation, vont à fond et qu’ils étouffent.  On ne peut plus avoir des bâtiments avec du simple vitrage. Et pour agir il faut un état des lieux précis et un plan d’action établi. Nous voudrions que 2021 soit enfin l’année de cet effort.

Renforçons les points forts a dit le Monsieur le bourgmestre plus tôt ce soir. Ne laissons pas sur le bord du chemin des éléments peut-être plus fragiles mais pas moins essentiels aurais-je envie de lui répondre. Et notre enseignement communal, singulièrement le secondaire (à l’exception de Waha) et le supérieur est aujourd’hui fragile mais essentiel. Il est essentiel parce que l’éducation de nos enfants est un enjeu essentiel. Et plus prosaïquement, il est essentiel parce que c’est un des éléments centraux pour fixer des familles en ville ce dont nous avons le plus grand besoin alors que la population liégeoise repart à la baisse.

Pierre Eyben pour le Groupe Vert Ardent

Intervention au Conseil Communal Spécial Budget du 22 décembre 2020

 

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