Dans un article paru dans la Meuse le lundi 17 février 2019 consacré aux étudiants qui viennent étudier à Liège sans s’y domicilier, le Bourgmestre Willy Demeyer (PS) dénonce le fait qu’ils ne contribueraient pas aux finances de la Ville et qu’ils tireraient certains loyers vers le haut.

Pour compenser, la Ville entend mener une chasse aux sorcières et courir après les étudiants qui kottent à Liège sans s’y domicilier pour leur réclamer une taxe sur les secondes résidences. Pour Vert Ardent, le Bourgmestre se trompe de cible pour plusieurs raisons.

La taxe sur les secondes résidences : les kotteurs n’ont pas toujours le choix

La taxe sur les secondes résidences est particulièrement injuste : elle touche tous les étudiant.e.s kotteurs de la même façon, quels que soient les revenus de leurs parents. Elle ne tient donc pas compte des réalités socio-économiques extrêmement différentes des étudiants qui kottent à Liège sans s’y domicilier. En outre, dans une maison en colocation, chaque membre de la colocation devrait s’acquitter de cette taxe, là où une famille ne la paierait qu’une fois. L’argument brandi par le Bourgmestre selon lequel la taxe change en fonction de la superficie du logement ne tient pas la route non plus : un 28 m² peut être en bien meilleur état qu’un 35m², par exemple.

La précarité étudiante, une réalité toujours plus criante

Personne ne peut nier cette réalité : la précarité étudiante est un fléau toujours plus dévastateur. La Fédération des Étudiants francophones (FEF) mène justement une grande campagne pour dénoncer cette réalité. Parmi les éléments dénoncés par la FEF, on retrouve justement le prix des loyers des kots. En s’attachant à percevoir une taxe sur les secondes résidences, le Bourgmestre ne ferait qu’augmenter la part de leurs ressources financières que les étudiants consacrent à leur logement alors même que c’est déjà le poste de dépenses le plus important.

Il est à tout le moins curieux de prendre les étudiants pour cible alors même que l’aggravation de la précarité étudiante se traduit par exemple dans l’explosion des demandes d’aides sociales soumises au CPAS. Beaucoup d’étudiants doivent déjà travailler pour subvenir à leurs besoins, certains devraient encore plus le faire pour couvrir cette taxe qui s’élèverait à 400€ par an.

Pour se prémunir des critiques, le Bourgmestre avance l’argument que les allocations familiales ne disparaitraient pas si l’étudiant.e se domiciliait à Liège. Certes, l’étudiant.e ne les perdrait pas mais elles seraient diminuées et lui seraient versées directement. Elles ne seraient plus reprises dans le total des allocations que perçoivent les parents, ce qui peut faire diminuer celles du reste de la fratrie pour les enfants sous l’ancien système d’allocations familiales.

Cette insistance sur la taxe sur les secondes résidences occulte une autre réalité encore : certains parents sont certes propriétaires mais dans des situations précaires, parfois grâce à des prêts familles nombreuses. Si l’enfant n’est plus domicilié chez ses parents, ce prêt ou réduction de prêt n’est plus possible.

Face à ces quelques éléments et bien d’autres encore, une question s’impose : pourquoi vouloir s’enrichir sur le dos des étudiants alors que la Ville a d’autres leviers à sa disposition ?

Les autres leviers à la disposition de la Ville de Liège

Plutôt que de confronter 2 publics précaires comme le fait le Bourgmestre dans l’article de la Meuse, on peut trouver des solutions pour loger tout le monde. Le contexte actuel n’est certes pas facile pour les grandes villes, mais la Ville a le pouvoir d’agir sur les problèmes de logement à plusieurs niveaux :

  • en appliquant le règlement d’urbanisme et en vérifiant le partage des logements ;
  • en appliquant le règlement de police pour lutter contre les marchands de sommeil (interpel Quentin et Laura) et les propriétaires véreux ;
  • en luttant contre la discrimination au logement ;
  • en luttant contre les logements vides et en percevant de manière optimale la taxe sur les immeubles inoccupés ;

La Ville ne devrait pas prendre pour cible les étudiants, alors même que le problème ne vient souvent pas d’eux. Il suffit de faire un petit coup de sonde sur les annonces immobilières pour voir apparaître les mentions « pas de domiciliation », qui réservent de facto de tels logements illégaux (puisque souvent non déclarés) aux étudiants. On peut penser aussi aux bails non enregistrés et à d’autres situations de locations précaires.

En bref : la Ville se trompe en prenant pour cible les étudiants. Pour maintenir l’attractivité de Liège, il convient de donner envie à ces jeunes de rester et de se domicilier une fois dans la vie active. D’autres moyens sont possibles pour augmenter les recettes liées au logement. Il est temps de les envisager plus sérieusement.

Laura Goffart pour Vert Ardent.

 

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