Ce lundi 4 février, le collège communal a présenté sa déclaration de politique communale pour les six années à venir.
Voici l’interpellation de Caroline Saal à ce sujet (voir la vidéo).

Pendant la campagne communale, j’ai dit à plusieurs reprises combien le 14 octobre 2018 pouvait être une date historique pour les Liégeois et les Liégeoises. En effet, suffisamment d’indices concordaient pour dire que la majorité  existante, en place depuis 30 ans, ne serait pas reconduite. Par ailleurs, il repose sur les épaules de la nouvelle majorité d’implanter Liège durablement dans le 21e siècle. Pour Vert Ardent, les années qui viennent sont importantes : elles verront l’évolution de notre système démocratique, la confrontation aux effets du réchauffement climatique, de la pollution et de la perte de biodiversité.

Pour nous, inspirés du municipalisme libertaire, l’échelon local est le lieu politique par excellence de l’expérimentation d’une démocratie renforcée, agissant concrètement, à taille humaine et de manière inclusive.

Pour 2018-2024, le PS se maintient et le MR est de retour près 36 ans d’opposition.

Quel sens va donner la majorité PS MR à Liège ? Un peu plus de la même chose ? Une rupture ?

  1. Un bingo des thèmes forts de la campagne

Le groupe Vert Ardent a lu avec grand intérêt les 78 pages de la DPC (déclaration de politique communale). Notre première impression a été que la majorité s’était “vertardenté”. Les chapitres et sous-chapitres sentent bons notre programme, et nous assistons à la mise en place d’une présidence du Conseil. Nous découvrons dans vos pages : 1 Million  d’euros pour des budgets participatifs, les 10 euros d’investissement vélo/habitants, etc. Pierre Eyben aura l’occasion de comparer vos propositions aux nôtres dans quelques instants.

Vous semblez donc avoir entendu l’appel des Liégeois et des Liégeoises sur ces enjeux. Il faut dire que vous constituez une majorité avec des scores respectifs affaiblis par rapport à 2012. Cette ouverture de la DPC aux projets politiques est donc une décision sage de votre part.

Vert Ardent est plutôt satisfait de gagner sur le plan des idées. Mais attend de voir. En effet, sous le vernis de la DPC, nous découvrons plutôt… un bingo. Vous savez, ce jeu apparenté au lotto où des chiffres sont tirés au sort et où vous vérifiez sur votre petite carte si vous pouvez les y cocher. Je vous imagine, avec nos différents programmes sur la table, en train de vous dire “Ok, c’est bon, on a mis un peu de Vert Ardent, un peu de PTB, ça devrait les calmer”. Participation, mobilité durable, logement, alimentation, transition, tous les mots y sont. Nous sommes fiers et heureux pour les Liégeois que certaines de nos revendications aient été entendues. C’est une bonne chose. Mais nous avons creusé. Notre conclusion est que cette déclaration de politique communale est le minimum requis pour une commune du 21e siècle, qu’elle manque d’ambition, par exemple en mobilité ou en santé (là, ça n’est pas que ça manque d’ambition, c’est qu’il n’y a plus d’ambition) et, par ailleurs, il ne s’agit pas de dire qu’on veut faire pour faire bien, et votre DPC manque de clarté sur les mesures que vous dites vouloir prendre.

  1. La question qui taraude : “ Y a-t-il un projet ? ”

Il a fallu attendre trois mois pour ce document. Vous avez annoncé votre choix de majorité, vous avez installé le Conseil et le Collège sans dire mot du projet, si ce n’est le besoin de la bonne gestion. Contrairement à d’autres communes, où les nouvelles majorités ont directement donné leurs intentions générales, pas même quelques orientations n’ont été communiquées depuis l’annonce de la majorité.

Vers quels horizons nous mènera cette nouvelle majorité ?

Enfin nouvelle majorité,… Il y a des précédents ! Donc nous nous sommes basés sur ces précédents. Lors des élections communales de 1976, qui coïncident avec la création d’un « petit » Grand-Liège résultant d’une fusion des communes inaboutie (la moitié de la population urbaine n’étant pas reprise sur le territoire de la Ville de Liège proprement dite), les Liégeois avaient donc élu 51 conseillers communaux. En 1976, donc, un accord est conclu entre les socialistes (21 sièges) et les libéraux (7 sièges). Quel fut le résultat de cette majorité violette qui a géré Liège de 1977 à 1982 ? En 1977, Liège comptait 228 000 habitants. En fin de législature, Liège avait perdu 20 500 habitants, et n’en comptait plus que 207 500… C’était l’époque où les bonnes âmes étaient convaincues que Liège devait être transformée en circuit automobile, comme en témoigne entre autres l’aménagement des quais de la Dérivation en autoroutes urbaines. Bilan de cette législature Socialiste – libérale 1977 – 1982 : La Ville a perdu 9% de sa population en 6 ans. Mais elle a surtout vu sa dette quasiment quadrupler : en six ans, elle est passée d’environ 320 millions d’équivalent euros en 1977 à 1,25 milliards d’euros fin 1982 ! J’espère – je suis convaincue – que plus personne au sein de ce conseil n’aura l’idée de reproduire ces genre de pratiques !

Mais voilà qu’arrive la DPC et que nous pouvons juger sur pièces. En terme de bonne gestion, il y a peu d’éléments et nous devrons attendre les traductions budgétaires pour nous faire une idée. C’est une majorité studieuse. Vous allez étudier comment diminuer le nombre de dossiers par assistant social du CPAS ; vous allez étudier les mécanismes possibles pour réguler les loyers ; vous allez étudier la faisabilité du téléphérique ; vous allez étudier le développement d’un projet d’intervention dans le Carré ; étudier la faisabilité de la végétalisation de la ville, étudier l’idée d’une légumerie-conserverie… Bref, vous ne savez pas encore ce que vous allez faire. Nous aurions aimé des engagements plus clairs.

  1. Territoire et participation : la volonté y est-elle ?

On sent une volonté de mettre la ville à la page concernant la participation. Une de vos propositions phares : le schéma communal de développement du territoire. Il est clair que, dans une ville qui est destinée à accueillir plus de monde, qui doit absolument préserver la qualité de vie des habitants et son environnement, une stratégie claire et transparente d’organisation du territoire et de densification est urgente. Et il est nécessaire qu’elle se fasse avec les habitant.e.s

Vous évoquez également l’octroi d’un budget participatif de 1M, mais vous ne dites rien des outils et des méthodes. Vous mentionnez la collaboration avec certains collectifs. J’attire votre attention sur l’implication de tous les liégeois et liégeoises. Vous ne pouvez pas vous reposer uniquement sur les citoyen.ne.s déjà organisés. Il est aussi de la responsabilité de celui qui met en place une politique participative d’inclure le plus grand nombre. Qui va octroyer les budgets participatifs ? Quels services vont piloter cette politique participative ? Quelles techniques allez-vous privilégier ? Quels moyens allez-vous mettre à disposition des habitants pour qu’ils puissent participer ? Quel cadre allez-vous leur donner ? Cette question est fondamentale, et vous n’y répondez pas.

1 page plus loin, on lit d’ailleurs un contraste saisissant entre la précision de la poursuite de l’ouverture des mairies de quartier le samedi matin (et c’est une bonne mesure) et le très flou « la participation citoyenne sera renforcée dans le cadre du développement de projets urbanistiques ». En fait, vous savez que vous avez intérêt à le faire, parce qu’il y a une forte demande, parce que Vert Ardent a réussi aussi je crois à imposer cette thématique. Mais vous ne savez pas comment. Je ne le soulève pas par mépris ou par prétention, mais parce que ne pas savoir comment mener une politique de participation, c’est la meilleure manière d’en faire un échec. Avec son lot de frustration pour les responsables politiques, et pour les personnes engagées dans le projet.

La ville de Liège n’est pas vierge en expérience participative : Réinventons liége nous a déjà appris certaines choses. L’année 2018 avait déjà de petits budgets participatifs inscrits.

  1. La mobilité : un non-choix

Les grandes villes sont des poumons de la région, nous avez-vous dit. J’aime autant vous dire que Liège ressemble à un poumon de vieux fumeur. Le pouvoir communal a un moyen d’agir : sa politique de mobilité. Vous présentez la nouvelle DPC comme ambitieuse sur ce point, notamment en politique vélo. Mais en fait, la politique que vous proposez est complètement chèvre-choutiste. Ce chapitre me fait penser à cette publicité célèbre pour les fromages belges “un peu de tout” Plus de places de parkings, plus de corridors vélo, … Vous proposez en somme d’augmenter la place accordée aux vélos, celle accordée aux voitures… Vous allez repousser les maisons ? La réalité c’est que vous n’osez pas faire de choix.

Vert Ardent a également de profonds désaccords avec des mesures que vous avancez comme des solutions “environnementales”. Les Zone basse émission et les places de parkings réservées aux véhicules éco-responsables. Les zones basse émission, nous pouvons être en accord sur le principe, obtenir une meilleure qualité de l’air. Mais ces deux mesures, les zones basse émission et les stationnements gratuits pour véhicules moins polluants soutiennent le renouvellement de la flotte automobile. C’est l’argument de la FEBIAC, lobby belge des intérêts financiers dans la voiture  : achetez neuf et l’air se purifiera. La voiture propre n’existe pas, la fabrication d’une voiture neuve a un coût environnemental élevé. Ill vaut parfois mieux une occasion qu’un véhicule neuf ET c’est une politique qui pénalise les bas revenus, ceux qui ne peuvent pas remplacer leur voiture. Ce genre de raisonnement fait du mal aux luttes écologistes. Les priorités doivent être concentrées sur les zones 30km/H, sur le renforcement des transports publics (le tram, le REL, les BHNS). L’objectif doit être de réconcilier ceux qui ont peur de la fin d’un monde et ceux qui ont peur de la fin du mois.

  1. Taxes : “Circulez, il n’y a rien à voir”

Le cheval de bataille du MR … est-il parti au galop ? Un tiers de page seulement est consacré à votre sujet de prédilection. Pourtant, sortait de la campagne communale la reconnaissance des différents partis de la nécessité de revoir impôts et taxes. Pour Vert Ardent, il est important que les taxes urbaines soient non plus identiques pour tous et toutes mais juste et progressive. Nous proposons d’ailleurs différents paliers.

La DPC contient tout au plus un début d’engagement sur la taxe des « immeubles inoccupés depuis longtemps ». Les taxes urbaines, ménage et non ménages, seront revues « dans le respect des principes définis par les cours et tribunaux » et «  à l’aune des contraintes de la tutelle régionale ». Cette formulation est une manière polie de dire “Finalement, ça va pas ressembler à ce qu’on avait dit”. En attendant, les Liégeois et Liégeois.es s’impatientent.

  1. Les absents et les nouveaux

Parmi les nouvelles lignes d’attention, on salue une reprise en main des questions de genre, délaissées par la dernière législature. Nous serons attentifs à l’application du gender budgeting et aux autres mesures envisagées. Nous vous soutenons pleinement dans cette réalisation. Madame Willemart en parlera dans un instant. Pareillement, le développement de l’axe bien être animal est intéressant, Madame Goffart commentera vos propositions et restera attentive tout au long de la législature à cette matière.

Un sujet est à mon sens bien trop absent : la question de la précarité énergétique. Les Liégeois et les Liégeoises confrontés aux factures trop lourdes pour leur budget sont nombreux. Nous pouvons aller beaucoup plus loin et nous devons. Le nombre de recours au secours hivernal a explosé lors de la dernière législature. Nous devons être beaucoup plus ambitieux sur cet enjeu et en faire une priorité de politique sociale.

Un autre absent est la politique de santé. Ca, c’est tout simplement aberrant. Rien sur la promotion de la santé, sur la santé communautaire, les campagnes de prévention… Mon collègue Guy Krettels vous développera notre analyse de ce changement.

En conclusion, nous observerons avec attention la mise en oeuvre de cette DPC et nous sommes prêts pour une opposition constructive mais vigilante et exigeante.

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