La Ville de Liège vient d’opérer une coupe sévère dans ses budgets, et la culture, malgré certaines apparences, n’est pas épargnée.
Certes, la majorité communale se targue d’avoir « préservé » les conventions tripartites (qui lient la Ville, la Fédération Wallonie-Bruxelles et les institutions culturelles comme l’OPRL, l’Opéra Royal, le Théâtre de Liège et les centres culturels). Mais il faut voir de près : ces subsides n’ont pas été indexés sur le coût de la vie. C’est donc, en réalité, une baisse masquée de moyens pour ces institutions, alors même que leurs frais ne cessent d’augmenter.
Par ailleurs, la méthodologie budgétaire adoptée par le collège et présentée en commission a été d’imposer une réduction linéaire de 15 % sur l’ensemble des dépenses notamment de transfert. Mais là encore, l’application est inégale. Quelques exemples :
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Maintien de connexions urbaines sans que l’on sache quels opérateurs seront soutenus. Même si cette dépense se retrouve dans les dépenses événementielles sous la responsabilité du bourgmestre, il était d’usage lors de la dernière législature que l’échevin de la culture s’en préoccupe.
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Une réduction de 100% dans un article de dépenses de fonctionnement pour les organismes culturels de l’ordre de 30 mille euros,
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une réduction de 34 % pour les achats de livres en bibliothèques.
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inquiétude également sur les subsides projets de quartiers
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Et puis certains dispositifs, comme ceux des appels à projet culture et loisirs réduit de 50%
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celui de l’appel à projets pour les musiques actuelles — créé lors de la précédente législature pour soutenir les opérateurs de musiques non classiques, jusqu’ici trop peu soutenu — ont été purement et simplement été amputé de 50%.
La contradiction est flagrante : alors même que Liège présente sa candidature au titre de Ville créative UNESCO pour la musique, on abandonne les artistes émergents, les scènes locales, les initiatives nouvelles. C’est un camouflet terrible pour toutes celles et ceux qui font battre le cœur culturel de la métropole, qui ont été nombreux à participer au focus groupe organisés pour préparer la candidature UNESCO.
Car si l’on regarde honnêtement la sociologie des publics des grandes institutions, force est de constater que, malgré leurs efforts de renouvellement, elles s’adressent prioritairement à des publics plus âgés. En affaiblissant le soutien aux jeunes artistes et aux initiatives de terrain, on tourne le dos à l’avenir.
On sacrifie les bourgeons qui devaient être les fleurs de demain. J’en parlais encore ce lundi concernant la concession du reflektor : sans accompagnement, pas d’acteurs solides, pas d’acteurs solides, pas d’émergence d’acteurs structurants.
La culture n’est pas seulement une vitrine institutionnelle : elle est un terreau vivant, fait d’initiatives fragiles, de talents en devenir, de créations qui dérangent, innovent, se réinventent. En sabrant ces dynamiques, la majorité communale prend le risque d’une culture figée, élitiste, déconnectée de son époque.
Liège mérite mieux que des politiques culturelles à double discours.
Soutenir la culture, c’est aussi — et surtout — soutenir son avenir.
Et maintenant ? De quelles marges de manœuvre dispose la Ville de Liège pour sa culture ?
Alors que ce budget d’austérité pour la culture s’apprête à être voté, une question centrale se pose : que peut encore faire l’échevine de la Culture, au-delà de l’exécution disciplinée des coupes imposées ?
La première marge de manœuvre est simple mais essentielle : le dialogue. Continuer à rencontrer les acteurs culturels, écouter leurs réalités de terrain, partager les contraintes sans se retrancher derrière elles. Ce travail de concertation est indispensable, surtout en période de restrictions.
Ensuite, il existe des formes de soutien qui ne sont pas strictement financières. La Ville peut :
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Faciliter l’accès à des infrastructures (salles, lieux publics).
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Mettre à disposition des moyens logistiques ou humains (communication, mutualisation de services, accompagnement administratif).
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Valoriser le travail des artistes locaux par une politique de communication ambitieuse.
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Jouer un rôle d’interface entre les différents niveaux de pouvoir (région, communauté, Europe) pour aider les acteurs à trouver d’autres leviers et défendre Liège.
Enfin, il est temps de repenser le modèle lui-même. Pourquoi ne pas ouvrir une grande conversation collective avec les opérateurs culturels, les artistes, les citoyens ? Une démarche basée sur l’intelligence collective pour imaginer des solutions nouvelles, renforcer les solidarités, mutualiser les moyens, construire ensemble une vision culturelle partagée, au-delà des seuls budgets.
Quoi que vous fassiez, il vous faudra l’assumer.
Assumer que les choix opérés aujourd’hui auront des conséquences durables.
Assumer que la culture est un bien commun qui exige autre chose qu’une gestion purement comptable.
La responsabilité politique ne s’arrête pas aux lignes d’un tableau Excel.
Elle commence, surtout en temps de crise, par la capacité à fédérer et à porter un projet commun.
Madame l’échevine, je ne vous laisserais pas vous cacher derrière une application disciplinée de vos tableaux comptables et j’attendrais de vous que, malgré ce budget d’austérité, vous fassiez votre travail d’ écoute et de soutien aux opérateurs et opératrices culturelles.

