Liège, le 15/04/2020

Madame Defraigne, Madame Fernandez,

Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous faire part de notre inquiétude sur un cas particulièrement grave de « revenge porn » et sur ce phénomène dans son ensemble à Liège. Hier soir, un compte Instagram spécifiquement créé pour diffuser des images et vidéos à caractère sexuel dans l’anonymat a partagé la vidéo d’un viol collectif impliquant plusieurs jeunes Liégeois qui a eu lieu l’année dernière et sur lequel un jugement vient d’être rendu (1).

Sur sa courte existence, ce compte Instagram a été suivi, commenté et liké par de nombreuses personnes. Le compte a depuis, heureusement, été supprimé et dénoncé à la police. Ce phénomène malheureusement récurrent est déconcertant et difficile à appréhender, surtout en période de confinement. Nous le savons et n’avons de cesse de le répéter : le confinement se vit différemment dans chaque catégorie de la société. Certain.e.s n’ont pas la possibilité de sortir, de se changer les idées, d’avoir des occupations. C’est le cas de nombreux jeunes. L’ennui fait exploser certains comportements, contre lesquels nous luttons déjà au quotidien.

C’est par exemple le cas pour le « revenge porn ». Le revenge porn, soit la diffusion d’images ou de vidéos à caractère sexuel à l’insu d’au moins une des personnes concernées en guise de vengeance, trouve d’après la littérature son origine dans plusieurs éléments : la culture du viol et la société patriarcale, la recherche de distinction et de renforcement positif par les pairs, la soif de vengeance, l’envie d’humilier… (2) Ce phénomène semblerait toucher particulièrement les grands centres urbains en période de confinement et Liège n’est malheureusement pas épargnée.

Le degré de gravité des faits que nous venons de décrire va encore un cran plus loin puisqu’ils ne rencontrent pas une seule seconde le consentement de la victime : ni au moment des faits, ni à celui de la diffusion de ces images. Après avoir été victime d’un viol, la victime se retrouve une nouvelle fois victime à plusieurs titres : elle est condamnée à revivre une nouvelle fois cet épisode douloureux, à assister à l’emballement que suscite la diffusion sur les réseaux sociaux, à subir les regards désapprobateurs, etc.

Pour pouvoir être endigués, ces comportements demandent une réponse sociétale et collective, et cela passe par une prévention et une sensibilisation notamment auprès des jeunes, qui sont souvent impliqués dans ce genre d’affaires. La Ville dispose de plusieurs leviers pour agir. C’est pourquoi nous aimerions vous demander plusieurs choses :

  • La police a-t-elle bien été mise au courant de ces faits ? Quels sont ses retours ?
  • Une campagne de sensibilisation en concertation avec les acteurs de l’EVRAS et à destination des jeunes est-elle envisageable ? Pour être efficace, une telle campagne devrait idéalement passer par des publications sponsorisées ou non sur les canaux habituels des jeunes, soit Instagram et/ou Snapchat.
  • Serait-il envisageable d’impliquer les maisons de jeunes et organisations de jeunesse sur le territoire de la ville ? En tant que relais et interlocuteurs privilégiés, elles ont, elles aussi, un rôle important à jouer en la matière notamment dans la sensibilisation et le rappel des démarches à entreprendre en cas de problème.

En vous remerciant pour la lecture attentive de ce courrier et dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous prions d’agréer l’expression de nos meilleurs sentiments.

Laura Goffart & Caroline Saal, conseillères communales à la Ville de Liège pour le groupe Vert Ardent

 

(1) https://www.rtbf.be/info/regions/liege/detail_liege-les-auteurs-d-un-viol-collectif-condamnes-a-cinq-ans-avec-sursis-partiel?id=10463048
(2) https://www.lalibre.be/belgique/comment-une-bande-d-ados-en-arrive-a-violer-une-tres-jeune-fille-5ce2ddab9978e26db0548cca
https://www.cvfe.be/publications/analyses/170-revenge-porn-critique-d-un-phenomene-social-et-des-mots-pour-le-decrire

 

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