M. le Bourgmestre,

L’actualité rattrape parfois les intentions de long terme et c’est avec une pointe de surprise que nous avons découvert dans la presse un positionnement à la fois de la Régie des Bâtiments et de la Province de Liège à propos du Palais des Princes-Evêques de Liège. Si je vous ai sollicité pour rendre Liège-Bastogne à Liège il y a quelques années (et pour quel succès !), c’est pour une tâche encore plus titanesque que je vous interpelle : rendre leur Palais aux liégeois.e.s !

Pour faire simple – et il y a assez de juristes sur les bancs du conseil pour en attester – la partie « Justice » du Palais 16e siècle d’Erard de la Marck est dans un état lamentable et une enveloppe fédérale de 87 millions d’euros semble se dégager pour sa rénovation. Il n’en reste pas moins que ce qui nous questionne aujourd’hui et doit nous questionner tous pour les générations qui viennent c’est bien la vocation, la fonction du Palais. Il y a 200 ans, la jeune Belgique à voulu installer l’un des trois « pouvoirs » dans l’ancien Palais princier et cela pouvait se comprendre dans une logique d’affirmation d’elle-même. Mais deux siècles plus tard il faut bien le constater : le Palais des Princes-Evêques n’est pas, n’est plus, adapté aux fonctionnalités exigées par une Justice moderne, au service des citoyens et des justiciables.

Par ailleurs, notre Palais – qui est aussi celui des trudonnaires, des dinantais, des verviétois, des cinaciens, des habitants de Huy, Maaseik, Bilzen ou Visé – est l’un des seuls pour ne pas dire le SEUL palais princier d’Europe à ne pas être visitable par le public ! Et ceci alors que cette visite pourrait être le pinacle de l’offre touristique liégeoise, pendant laïc au circuit des collégiales, outre l’offre culturelle efflorescente.

Nos questions sont donc les suivantes :

  • Pouvez-vous prendre contact avec la Régie des Bâtiments, le Gouvernement Fédéral et la Province de Liège pour mettre sur pied un groupe de travail sur une potentielle future affectation patrimoniale, culturelle et touristique du Palais des Princes-Evêques de Liège ?
  • À court terme, des négociations pourraient-elles être entreprises avec la régie des Bâtiments, le département de la Justice et la Police Judiciaire pour rouvrir l’accès – comme c’était le cas jadis ! – à la troisième cour permettant l’accès piéton de la Rue du palais et le quartier Pierreuse vers St Lambert, Tivoli et Place du Marché ?
  • À moyen terme, de semblables négociations pourraient-elles s’entamer pour faire cesser le stationnement dans la Cour d’Honneur du Palais ? C’est d’une innommable laideur au cœur d’un site classé.

Merci d’avance pour vos réponses.

Quentin le Bussy et Virginie Godet pour Vert Ardent

Interpellation du Conseil Communal du 31 mai 2021

Quelques repères pour comprendre pourquoi le changement d’affectation est particulièrement pertinent et pourquoi il faut s’en préoccuper maintenant :

  • La « troisième cour » est bordée d’une venelle piétonne et aujourd’hui fermée à la circulation par des grilles situées entre le Palais de Justice et les Locaux de la PJ. Elle s’ouvre à hauteur de la boulangerie « Chez Dolcis » et débouche à côté de la taverne-café « À Pilori ».
  • D’un point de vue immobilier « Régie des Bâtiments » :
    • Les bureaux de la Police Judiciaire situés dans cette « troisième cour » ont vocation à déménager à court terme pour être rassemblés avec d’autres services PJ.
    • Toujours à propos de la PJ, les vastes locaux de la Rue St Léonard ont vocation eux aussi à être vidés (cf. politique de rassemblement) et seront donc très bientôt disponibles.
    • À Grivegnée-Bas, les bâtiments de la Justice de Paix, construits il y a à peine un quinzaine d’années, ont été vidés en 2018.
  • En termes de patrimoine et de tourisme, la comparaison est cruelle en défaveur de Liège : qui visiterait Gand sans passer par le Gravesteen (Château des Comtes de Flandre), qui visiterait Nantes sans passer par le Château des Ducs de Bretagne? Idem pour Dijon, Mantoue ou tant d’autres destinations de prestige intermédiaire (il s’agit de ne comparer que ce qui est comparable, évidemment).
  • En termes d’affectation, l’actualité récente a montré l’inadaptation du Palais actuel à une fonction de Justice: les salles d’audiences et autres locaux ne sont plus adaptées aux usages modernes et ne sont même pas « sécurisables » aux normes actuelles sauf à les défigurer (c’est déjà le cas pour certaines et il s’en est fallu de peu pour que la Cour d’Honneur ne subisse des dégâts irrémédiables, par exemple).
  • Pour revenir quelques années en arrière, quand le dossier « Annexes du Palais de Justice » – qui a longtemps défrayé la chronique – il était bien évoqué le déménagement des fonctions de Justice, pas son étalement sur plusieurs sites contigus… Le « prestige » et le décorum des lieux auraient décidé certains à vouloir maintenir la fonction « Justice », même si cela dénote d’une vision quelque peu surannée de celle-ci et entre en contradiction avec d’autres objectifs (sécurité notamment).
  • Sur la sécurité, précisément :
    • La sécurisation d’un tel site historique est à la fois très compliqué techniquement (que l’on songe aux accès anciens, huisseries historiques, etc… La preuve en est le portique hideux de la cour d’honneur qui ne fonctionne plus depuis 20 ans).
    • La sécurisation des locaux d’un point de vue évacuation et incendies est TRÈS problématique comme on l’a encore vu en septembre 2020).
    • Le transfert de détenus « en porte à porte » (c’est à dire sans sas sécurisé) par la rue du Palais démontre nettement si besoin en était encore à quel point le site est peu adapté à la fonction, si l’on songe par exemple aux prévenus pour grand banditisme, radicalisme ou terrorisme.
  • Sur le parking :
    • Les services localisés là bénéficient déjà par contrat de places de parking réservées dans le parking souterrain St Lambert. Il nous revient néanmoins qu’elles ne sont guère (ou du moins pas toutes) utilisées notamment pour des questions de convenances personnelles.
    • La Cour d’Honneur n’en est pas moins un site classé et devrait cesser au plus tôt d’être un horrible parking alors que que c’est probablement le plus bel exemple civil de l’art mosan de la Renaissance. La stupéfaction des touristes et visiteurs de tomber sur un tel parking pour admirer les singulières colonnades est un classique des guides touristiques. Par exemple, cela fait déjà… 40 ans que la Grand Place de Bruxelles a été libérée des automobiles. Cette évolution semble marquée du sceau de l’évidence…
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