La première chose que nous dénonçons, que dénoncent les organisations syndicales, que dénoncent nombre de professeurs et d’étudiants est l’absence de transparence dans la gestion actuelle de notre ECL.

Je suis un jeune élu, mais pour ma part je n’ai jamais reçu autant de messages inquiets mais aussi de critiques concernant la gestion actuelle de l’Echevin de l’Instruction Publique. Il y a donc plus que jamais matière à cesser de se mettre la tête dans le sable et à ouvrir un débat public, et comme nous le faisons aujourd’hui, pas 5 minutes en fin de CC à minuit. L’enseignement communal liégeois est un enjeu qui mérite plus d’attention de la part de cette majorité. Comparaison n’est pas raison mais remarquons par exemple que les points police sont eux discutés longuement, et ce en début de Conseil.

Alors que notre enseignement est désargenté, on nous signale des choix qui, passent mal comme celui d’ouvrir une option avec du grec pour un unique élève à Waha, comme celui de recaser d’anciens directeurs non réélus dans des postes taillés sur mesure où ils n’ont pas à contribuer à la charge d’enseignement (des informations reçues font état de salaire important et un bureau joliment équipé), d’ouvrir des postes vacants là où ils ne sont pas vitaux, de privilégier des postes administratifs en grand nombre ce qui crée une armée mexicaine dans un contexte budgétaire pourtant serré.

Peut-être y a-t-il des explications valables à certains de ces choix. Pas tous. Mais tout semble être fait pour maintenir un fonctionnement profondément opaque ce qui n’aide pas.

La simple difficulté qu’il y a eu à obtenir ce point à l’ODJ en témoigne.

Choqué, lors de chaque commission, par la litanie des enseignants qui quittent notre PO, et nous savons que c’est un problème général et donc un enjeu majeur dans l’enseignement, j’ai par exemple demandé il y a plus d’un an si nous pouvions disposer de chiffres pour appréhender dans sa globalité le phénomène, et se comparer aux autres PO. Comme élu de gauche, se poser la question du bien-être au travail me semble essentiel. Il m’a été répondu que c’était impossible.

Sur la capacité donnée aux élus d’analyser les chiffres encore. Nous recevons une fois par an, en dernière minute, un scan de document difficilement exploitable et ne donnant que l’évolution sur la dernière année concernant le nombre d’étudiants inscrits dans nos établissements scolaires. J’ai demandé par courriel à votre secrétaire de cabinet un document source exploitable (de type xls). Pas de réponse. J’ai redemandé en commission ce même document et des chiffres sur 5 à 10 ans pour étudier des évolutions sur le temps long. L’Echevin m’a d’abord suggéré d’écrire une QE. Je lui ai signalé que celles-ci n’étaient pas valables pour ce genre de demandes de chiffres (c’est notre règlement). Il m’a alors proposé de le demander à la directrice générale. Demande envoyée. Réponse après plus d’un mois après rappel mais sans les chiffres du primaire et avec des discordances dans les chiffres. Re mail pour obtenir les chiffres du primaire. Et re-re-mail pour signaler que les chiffres reçus pour le primaire ne contenaient pas la dernière rentrée scolaire. Il n’est pas normal qu’il soit si compliqué d’obtenir des documents de base pour effectuer correctement notre travail d’élu.

Idem sur l’état des bâtiments où j’ai fini par obtenir le document sur l’audit énergétique des bâtiments (qui date de 2011)… via des contacts syndicaux. Cette entrave de fait à notre travail d’élu n’est pas normale. Elle est le signe de pratiques anciennes et sans doute aussi d’un malaise face à la situation actuelle.

On se rappellera la saga des barquettes en plastique dans laquelle nous n’avons obtenu que des réponses professorales pour justifier leur usage avant que le Collège n’intervienne amenant l’échevin à modifier sa position.

Je dis malaise car les chiffres ne sont pas bons. J’ai eu l’occasion de le dire déjà en novembre. Je reviens sur quelques exemples.

Dans le secondaire, c’est moins 4% entre 2019 et 2020. Seule l’athénée Léonie de Waha, j’y reviendrai, sauve les meubles. Tous les autres établissements sont en baisse. L’école de coiffure et de bio-esthétique a perdu plus d’un tiers de ses étudiants les 10 dernières années. L’athénée Destenay a perdu plus d’un quart. Sur 3 implantations (puisque l’on a fusionné l’athénée Saucy avec l’ECCSA et l’EC2), on est aujourd’hui à 393 étudiants. Il y a 25 ans la seule implantation ECCSA avait alors plus de 400 étudiants, Saucy près de 1000. C’est une chute vertigineuse et qui n’est en rien liée au récent Pacte d’Excellence si discutable soit ce projet confié notamment au bureau privé McKinsey. Nous avons un problème évident d’attractivité de notre enseignement.

Le CEFA perd 15% en un an, et au total 25% les 5 dernières années alors que ce principe de formation en alternance a le vent en poupe partout.

À la HEL, c’est -9% entre 2019 et 2020. Et si on regarde sur une perspective un peu plus longue, c’est -30% depuis 2013.

Le maternel et le primaire se portent mieux, notamment grâce aux pédagogies alternatives, mais là aussi, on sent des signes clairs d’essoufflement si on regarde les chiffres sur 10 ans. Ainsi dans le maternel, là où le parcours commence, les chiffres ont cru jusqu’en 2015 avec 4097 enfants mais baissent depuis lors. On était à 3885 en 2020. On est à 3750 au 15 janvier 2021. C’est une baisse de plus de 8%.

Nous connaissons depuis de longs mois une situation exceptionnelle avec la pandémie actuelle. Là encore, alors que débat et échange d’idées seraient essentiels, cela s’avère impossible. Pourtant notre Pouvoir Organisateur fait des choix importants. Liège se distingue par exemple par la volonté d’aller plus vite et plus loin que le reste de la FWB sur le distanciel. Concrètement, entre mai et jusqu’à récemment, les élèves du 3e degré n’étaient acceptés qu’un jour/semaine, malgré les efforts des équipes éducatives pour préparer une rentrée à 50%

Est-ce justifiable quand on sait l’impact majeur sur la scolarité et plus largement la santé mentale de nos enfants qu’a ce choix ? Les étudiants du secondaire et du supérieur se retrouvent assignés à résidence et ce n’est pas un fait banal. Nous recevons des courriers affolés d’enseignants qui nous annoncent un taux de décrochage scolaire jamais vu. Pourquoi ce choix ? Pour éviter les TC bondés bouillon de culture principal selon l’échevin. Plusieurs études actuelles semblent sérieusement relativiser l’affirmation de l’échevin. Ainsi, par exemple, Santé Publique France a publié une étude qui montre que seulement 1,2% des clusters Covid-19 étaient liés aux transports. Une étude allemande du Robert Koch-Institut donne le chiffre de 0,2%. Et on notera aussi un peu cyniquement que les enfants qui ne sont pas dans le général continuent en outre de prendre les TC pour se rendre à leurs stages et travaux pratiques. Il n’y a pas de solution magique mais là encore nous faisons, élus mais aussi syndicats ou parents, des propositions qui ne sont pas même écoutées :

  • Dès le printemps, nous avons alerté sur les risques liés à l’isolement des enfants chez eux, en particulier les enfants qui étaient déjà en risque de décrochage scolaire et plaidé pour du semi-présentiel couplé à de meilleures mesures de protection dans les établissements scolaires ;
  • Dès l’été, nous avons proposé que le système de testing organisé avec succès par l’ULiège soit adopté ;
  • Et nous avions pointé la nécessité de renforcer la concertation et l’écoute des équipes éducatives, de leur expertise de terrain.

Donc, nous ne sommes pas écoutés. Mais peut-être devrions-nous simplement regarder ce qui est fait et bien fait ? Et bien non, car ce que nous constatons, et encore une fois nous ne sommes pas les seuls, est un mode de fonctionnement sclérosé et un manque d’anticipation.

Lors d’un débat télévisé électoral en 2018, madame Defraigne, qui était alors plus véhémente, parlait de la nécessité de faire sauter une chape de plomb s’agissant notamment des pratiques dans l’instruction publique. Nous ne renonçons pas, et nous nous attelons en tout cas à continuer d’éclairer certaines pratiques qui ne changent pas avec cette nouvelle majorité.

Nous ne sommes pas là pour « allumer » cette majorité par principe, moins encore par plaisir ou facilité. Dès lors je voudrais étayer cette affirmation avec quelques dossiers urgents à traiter :

  • Afin de stopper la dilution de la fréquentation de notre réseau d’enseignement, reposons-nous sur les qualités de celui-ci. La ville connaît deux succès manifestes dans le fondamental qui lui ont permis d’y mettre fin à une érosion continue de sa population scolaire : ce sont l’immersion d’une part, et surtout la pédagogie active d’autre part. Dès la campagne électorale de 2018, nous avons signalé que ceci conduirait immanquablement à un goulot d’étranglement au niveau du secondaire puisqu’une seule école offrait de prolonger la pédagogie active (et le fait de la coupler à l’immersion) dans le secondaire. On y est ! Waha doit désormais refuser des étudiants. Et donc nous perdons des étudiants. Ajoutons que l’école est par ailleurs surpeuplée ce qui crée des tensions avec le primaire et des incongruités comme des étudiants obligés de se changer pour le cours de gym dans des classes à côté d’autres qui tentent de suivre un cours. Pour certains cours philosophiques, les enfants se retrouvent à 40 en classe. Où en est le dossier d’une seconde implantation ? A-t-il avancé d’un iota ? Non. Histoire de ne pas attendre une hypothétique solution sur Angleur bas, nous avions évoqué dès 2018 l’idée de s’appuyer sur Saucy, où l’interdiction du port des signes religieux a conduit à une perte du nombre d’étudiants. Je ne souhaite pas ici rouvrir ce débat mais constatons les faits : le réseau catholique, moins sectaire ou plus cynique a accueilli ses étudiants et s’en félicite. Notre proposition a soulevé une levée de boucliers. Où en est cet établissement aujourd’hui ? Moins de 400 étudiants (pour 3 implantations). Moins 7% cette rentrée par rapport à 2019. Un record négatif. Est-ce qu’on peut rouvrir rapidement ce débat où doit-on encore refuser des étudiants à Waha les prochaines années ?
  • Autre énorme souci, la HEL. Monsieur l’Echevin explique en gros que le problème se résume au problème, réel nous ne le nions pas, de l’enveloppe fermée (qui ne l’est d’ailleurs plus à 100% puisqu’une enveloppe complémentaire vient d’être allouée par la FWB mais c’est un autre débat). Mais le principal problème c’est que la HEL perd des étudiants, qu’elle se porte moins bien que les autres Hautes Ecoles qui évoluent dans le même cadre. Et donc nous pensons qu’il y a un réel problème de positionnement dans de nombreuses sections. Alors, on doit sans doute questionner le rôle de l‘ARES qui valide les nouvelles habilitations, mais force est de constater que la HEL semble ne pas convaincre. En 2018 par exemple, sur 11 projets déposés de nouvelles options, un seul retenu et qui est essentiellement un changement de dénomination. L’idée, judicieuse d’ouvrir une option en « économie sociale » par exemple n’a pas passé la rampe. C’est regrettable. La HEL doit trouver une identité plus forte pour attirer à nouveau des étudiants. Elle n’est pas sans ressource. Alors qu’elle est le lieu de formation de nombreux enseignants dans des pédagogies alternatives, il nous semblerait par exemple intéressant de proposer ces méthodes d’enseignement au sein de la HEL.
  • En commission monsieur l’échevin nous a expliqué que le taux d’échec trop élevé à la HEL était de la responsabilité de professeurs trop exigeants. Nous avons une autre explication : quand des classes passent de 30 à 80 étudiants, on ne sait pas travailler aussi bien. Quand un cours annoncé 30 heures sur le site de la HEL n’est plus comptabilisé que 27 heures pour l’enseignant mais que celui-ci est quand même invité à donner la même matière qu’avant ce qui augmente de 10% sa charge de travail, on ne sait pas travailler aussi bien. Et dans le même temps, la HEL compte près de 15% de personnel administratif, pour 5 à 10% dans les autres Hautes écoles de la FWB. De cela peut-on enfin parler ?
  • Je ne réouvre pas longuement le débat sur les bâtiments, je l’ai abordé en décembre au moment du budget mais il est essentiel également si on veut attirer des étudiants. À nouveau Monsieur l’Echevin nie la réalité. C’est pour cela que j’ai demandé une visite des bâtiments avec la commission (et j’ai une liste claire de ceux que je souhaite visiter) et je proposerais à Monsieur Léonard de bien vouloir nous accompagner. Nous ne pouvons plus laisser des étudiants et des professeurs dans des bâtiments avec, et je cite une fois encore des exemples concrets : des ascenseurs en panne, des châssis qui ne ferment plus, des carrelages instables, des infiltrations d’eau, des circuits électriques défaillants, des canalisations qui refoulent causant des odeurs nauséabondes, de l’amiante dans les murs. Soyons clair : je ne dis pas que rien n’est fait. Mais je dis que l’on a clairement trop peu fait et qu’il faut maintenant regarder cette réalité et proposer un plan d’action. La RW et la FWB notamment octroient des subsides croissants.  Nous devons agir, en particulier pour la Haute Ecole pour laquelle rien n’est fait en 2021.

Pour conclure.

Vu le contexte que nous connaissons, nous souhaitons que puisse s’ouvrir un véritable débat sur la situation de notre PO, et sur ses perspectives d’avenir.

Comme prévu dans la Déclaration de Politique Communale (DPC) vous annoncez aujourd’hui des Etats Généraux. Tant mieux. Cela dit, historiquement, les États-Généraux étaient une assemblée réunissant la noblesse, le clergé et le tiers état sur ordre du roi. Ils avaient pour but de donner une apparente légitimité aux décisions du roi. Est-ce que monsieur l’Echevin se rêve en monarque ?

Nous avons une conception politique plus horizontale et participative. Nous proposons donc au Collège que soient organisées lors du second semestre 2021 des assises de l’enseignement communal liégeois, les mots ont un sens, des assises participatives, ouvertes aux partenaires sociaux, aux organisations de parents, aux organisations étudiantes, et bien évidemment aux élus de toutes les formations représentées au CC. Ces assises doivent constituer un réel lieu de débat, pas une chambre d’entérinement. Les propositions de la base doivent y être entendues.

Outre la nature même des assises, il s’agit par ailleurs de se fixer des objectifs clairs : changer de relation entre l’échevinat et les équipes, améliorer la transparence de l’action comme le réclame la CGSP et nous élus, co-construire l’avenir avec les acteurs de terrain, et se fixer des objectifs clairs en nombre d’étudiants, en terme de filières à promouvoir, en terme d’investissements dans les bâtiments, etc.

Il s’agit aussi de réaliser ce qui était annoncé dans la DPC et n’a pas ou quasi pas avancé depuis lors. Quelques exemples : l’apprentissage d’une seconde langue dès la première primaire, l’augmentation du soutien aux écoles de devoir, l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle pour tous les élèves, la lutte contre le décrochage scolaire (aucune mesure spécifique annoncée malgré le contexte), des repas scolaires avec des produits biologiques issus de l’agriculture locale, les rues scolaires et un plan de déplacement scolaire, la verdurisation des cours de récréation, un plan de lutte contre le harcèlement scolaire…

À défaut d’une dynamique nouvelle, nous craignons que le supérieur d’abord, le secondaire ensuite ne disparaissent ou ne partent vers d’autres PO. Ce serait un réel échec pour notre commune.

Pierre Eyben pour le groupe Vert Ardent

Intervention au Conseil Communal du 25 janvier 2021

 

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