Nous avons été interpellés par la CNE concernant la problématique du travail du dimanche à Liège. Voici la réponse que nous, conseillers communaux, leur avons adressée, et qui reprend point par point les 6 questions qui nous ont été posées.
Liège, le 20 janvier 2019
Madame, Monsieur,
Merci de nous interpeller sur une problématique aussi importante que les conditions de travail des travailleurs du commerce liégeois et particulièrement les dimanches.
L’arrêté d’instauration d’une zone touristique à Liège en 2014 a été publié par le gouvernement PS-MR-cdH d’alors, en concertation avec la majorité PS-cdH active à Liège à l’époque.
Potentiellement, le statut de “zone touristique” (initialement conçu pour des lieux très touristiques tels la Côte belge) est une véritable boîte de pandore permettant d’ouvrir plus de dimanches et dans des conditions moins favorables pour les travailleurs.
Cinq ans après cette modification de statut, il apparaît clairement que cette opération de communication et de concurrence s’est avérée au mieux sans intérêt, au pire pénalisante. Sans intérêt parce que cela n’a en rien modifié l’attractivité touristique de la Ville; pénalisante parce que cela a contribué à mettre la pression sur les travailleurs et petits indépendants du commerce liégeois.
A ce stade, très peu de commerces ont décidé d’utiliser la possibilité d’ouvrir le dimanche. Il suffirait toutefois que quelques grandes enseignes changent de stratégie (comme la possibilité leur en est malheureusement désormais légalement offerte) pour provoquer un désastreux effet boule de neige sur le commerce local.
1. Nombre de dimanches
La concurrence exacerbée engendrée par une libéralisation du nombre de dimanches ouvrables en dehors des conditions habituelles est négative, comme c’est le plus souvent le cas pour les mesures visant à déréguler des secteurs d’activité. En effet elle introduit de l’incertitude et brouille la lisibilité de l’offre (ce qui est ouvert, ce qui ne l’est pas) et surtout ajoute de la pression à un secteur déjà fragilisé par la crise économique, par les mesures du gouvernement fédéral et par le commerce en ligne. Les dimanches travaillés doivent être rares, exceptionnels et encadrés sinon ils n’ont aucune chance de porter leurs fruits. Concernant les ouvertures déjà légalement possibles aujourd’hui, notre préférence va à ce que le dimanche demeure au maximum un jour de repos pour les travailleurs.euses, et un jour où l’on s’adonne à d’autres activités que la consommation dans la logique non consumériste qui est la nôtre. En une phrase : Oui au commerce, mais non à l’incitation non stop à la surconsommation.
2. Sursalaires
Nous sommes pour le maintien des sursalaires conformes aux commissions paritaires quelque soit le nombre de dimanches prestés, idéalement par la limitation des dimanches ou à défaut par négociation locale, sectorielle ou d’entreprise quelle que soit la commission paritaire.
3. La base volontaire
La base volontaire est l’essence même de la notion “exceptionnelle” d’une ouverture pour le/la travailleur.euse et doit rester LA règle, en tout état de cause et quel que soit le nombre de dimanches prestés.
4. Création d’emploi
Il est parfaitement exact que le travail du dimanche ne crée pas d’emploi mais qu’il “déplace” le travail au sein de la semaine ouvrée. Ceci abonde dans la nécessité pour les ouvertures dominicales de rester rares, exceptionnelles et encadrées si l’enseigne ou le commerçant espère une rentabilité suffisante et un chiffre d’affaires réellement complémentaire. Les rares créations d’emplois effectives sont précaires (intérimaires) ou provisoires (extras et jobs étudiants). L’exception historique dans notre ville est évidemment La Batte – qui est autant un lieu de convivialité que de consommation – et les activités qui l’entourent – HoReCa et commerce de proximité de l’hyper-centre, qui doivent être défendus et soutenus, en ce compris l’attractivité culturelle à proximité immédiate (musées ouverts le dimanche…).
5. Environnement
Comme expliqué au point 1, pour nous le dimanche est le jour de la semaine consacré à soi-même, aux siens, aux loisirs, au repos, à la culture ou au sport et non à la consommation. Ajoutons que les grosses enseignes et les centres commerciaux qui sont visés par l’assouplissement des règles liées au statut de zone touristique, sont le plus souvent situés hors du centre et/ou prévus pour des clients faisant leurs courses en voiture. Favoriser ces commerces et non les commerces de proximité, c’est donc augmenter les déplacements en voiture à l’heure du défi climatique: une aberration.
6. Indépendants versus grosses enseignes
La déclaration de politique locale ou pacte de majorité n’a pas encore été publié et le sujet a peu été évoqué lors de la campagne électorale, en ce compris lors du débat à l’UCM. Si la Ville se rêve et se veut “destination touristique” il y a 101 choses à faire plus prioritaires que ce genre de mesure…
Bien à vous,
L’équipe Vert Ardent au conseil communal de Liège