La Ville de Liège décide de déposer une candidature stratégique auprès de Wallonie Cyclable, communément appelé plan WaCy, qui est le plan vélo régional global visant à augmenter le nombre de déplacements quotidiens à vélo.

À la différence du précédent appel WaCy 2010, la candidature 2020 de la ville de Liège se veut stratégique, c.à.d qu’elle se base, non pas sur des cibles d’aménagements cyclables préalablement identifiées, mais sur la récente dynamique de la ville visant à renforcer l’usage du vélo et de répondre aux demandes de cyclistes qui ne cessent d’augmenter (multiplié par 4 en 10 ans).

Le point de départ sera la carte du réseau cyclable primaire. Il s’agit d’un travail basé sur les axes cyclables structurant des 15 corridors définis dans le PUM auxquels la cellule mobilité a ajouté des liaisons transversales et inter quartier. Cette carte permet de voir rapidement les tronçons existants, les chaînons manquants, ceux pour lesquels on a un budget, ceux qui sont projetés.

La volonté de la Ville est donc d’organiser une concertation avec les associations cyclistes et les comités de quartiers afin de cibler les projets prioritaires. Le réseau primaire est donc une pièce à caser sur lesquels les citoyens pourront se positionner.

Nous aimerions à présent attirer l’attention sur les points suivants : il est absolument nécessaire que cette candidature soit très claire sur ses objectifs. Le plan WaCy est un complément à d’autres financements régionaux destinés à résorber le retard important de Liège en termes de mobilité douce. Il doit donc s’intégrer dans cet ensemble. C’est, à côté de l’arrivée des corridors vélo, financés par le Plan Infrastructures, le levier communal pour permettre aux cyclistes et à tous ceux et celles prêts à remplacer pour une partie ou l’ensemble de leurs déplacements, leur voiture par un deux-roues, de le faire en toute sécurité. Or aujourd’hui, si cette candidature se présente comme reposant sur la participation citoyenne, celle-ci est peu définie dans le document.

Dès lors, elle nous pose question : la majorité a-t-elle enfin une vision stratégique du devenir de la mobilité, avec des lignes fortes en faveur de la mobilité douce, ou allons-nous continuer à tenter de faire rentrer dans des voies étroites plusieurs bandes de voitures, quelques chevrons vite peints et des places de parking, créant des conflits entre usagers ? Cette participation est-elle une volonté de transformer la ville en intégrant l’expérience des usagers ? Ou est-ce une manière de garder dans le flou les réalisations de WaCy ? Nous devons poser la question car il nous faut tirer les leçons de l’utilisation des deniers publics par la Ville lors du précédent plan Wacy, qui, rappelons-le, avait mélangé politique cyclable et entretien de voiries ? Rappelons qu’à l’époque, sous prétexte d’aider les vélos sur la route, la Ville a rénové des voiries… dégradées par le charroi des voitures. Le plan WaCy n’est pas là pour compenser les difficultés financières de la Ville à faire toujours un peu plus de la même chose, mais véritablement pour participer au transfert modal vers le vélo.

Or ce document ne nous donne pas d’indications claires en ce sens. Il nous paraît donc essentiel que la majorité s’engage dès à présent fermement sur les 5 objectifs suivants :

1 – Aller vers une concertation citoyenne de qualité  

  • Vert ardent sera attentif à l’organisation concrète de la participation citoyenne.
  • Par où commence t’on ? Se concerter oui, mais avec qui ? Quels sont les critères de réussite, quels sont les arbitrages en matière de cyclabilité, de stationnement, de partage d’espace avec les voitures, les piétons ? La candidature ne dit rien de tout cela. Achetons-nous un chat dans un sac ?
  • Cette candidature pêche dans sa manière de ne pas détailler les processus participatifs. Pour faire de la participation, il ne suffit pas de poser des questions, il faut poser la bonne question, en fonction de l’objectif que nous visons.
  • Puisque l’objectif est bien d’augmenter la part modale du vélo, cette question devrait être : de quoi les liégeoises et les liégeois ont-ils besoin pour oser prendre le vélo ? 
  • Pour répondre à cette question, des études préalables devraient être menées. Nous sommes déjà en possession des comptages cyclistes mais il faudrait affiner. Qui prend le vélo à Liège ? Qui n’ose pas ? À Bruxelles, Pro Velo a réalisé des comptages détaillés, qui ont mis en avant que le vélo était bien plus utilisé par des hommes que par des femmes (⅔ d’hommes, ⅓ de femmes). Ils ont donc étudié les causes de ces différences. Parmi celles-ci, la sécurité ressentie dans le trafic est un élément déterminant de même que… la charge parentale. Une fois que vous devez aller faire les courses, déposer les enfants à l’école, passer chez le pédiatre en fin de journée ou à une activité diverse, le recours au vélo paraît devenir compliqué. D’autant plus si les familles n’osent pas mettre leurs enfants dans le trafic. C’est un point noir important. Or nous savons combien à Liège, la Ville perdrait en embouteillages si les écoles étaient accessibles facilement en mode doux. Si l’objectif que nous partageons dans cette assemblée est bien d’augmenter la part modale, la sous-question à « de quoi les liégeois et liégeoises ont-ils besoin pour se déplacer en vélo » est de connaître quelles sont les infrastructures nécessaires permettant aux enfants, jeunes femmes avec enfants, personnes âgées de prendre le vélo ?
  • À côté de la vision par quartiers et avec les associations cyclistes, la Ville doit aussi analyser ce que nous savons des cyclistes liégeois et des non-cyclistes. Des focus groupe, avec une parité dans les participants et avec différentes catégories d’âge, tout niveau d’études, toute configuration familiale, pourraient être organisés comme à Bruxelles, aussi bien avec des habitués de la petite reine qu’avec des personnes qui ne sont pas encore usagères.

2 – Des infrastructures cyclables de meilleures qualité

  • Les aménagements financé par WaCy 2010 sont insatisfaisants, voire discutables :
    • Les connexions ravels : chevrons peints au sol rendus invisibles par des voitures garées dessus en permanence quai sainte Barbe ;
    • Apaisement de quartier avec mise en Zone 30 : rue de visé quartier du Longdoz, on ne s’y risque pas en vélo avec des enfants ;
    • Marquage de pistes cyclables non respectées par les voitures rue Ransonnet.
  • Certains aménagements s’apparentent plus à de l’entretien de voiries que de mise en place d’infrastructures cyclables de qualité.

3 – L’actualisation du Plan Communal de Mobilité (PCM)

  • Pour Vert Ardent, la mobilité cyclable doit être intégrée dans une vision de mobilité générale. Le report d’actualisation du PCM n’est pas une bonne nouvelle. Selon nos informations, il faudra attendre les statistiques des caméras Telraam pour actualiser le PCM. Nous n’aurons pas de PCM avant 2022 et pas de liens possibles avec les plans piétons, cyclables, et stationnement. Vous allez nous dire que nous sommes en début de législature et que ces données Telraam sont un atout pour renouveler ce Plan communal de mobilité. Mais il est déplorable que ce plan, qui avait été réétudié déjà sous l’ancienne législature, tarde tant à venir et pose à nouveau la question de la stratégie du Collège.
  • Par ailleurs, les dossiers de candidatures des bureaux qui ont été retenus pour le Schéma de développement communal mettent tous en avant l’impérieuse nécessité de revoir de fond en comble la mobilité liégeoise.

4 – Cibler les projets sur base des besoins et non pas de budgets

  • Le manque de lisibilité de la carte cyclable liégeoise est en partie lié aux fait que les décisions d’aménagements se font au gré des opportunités budgétaires et non pas sur les besoins exprimés par les cyclistes.
  • L’aménagement Rue Maghin faisait sans doute partie du top 10 de ce que souhaitaient les cyclistes mais certainement pas du TOP 3.
  • Le cercle vertueux serait pourtant de donner la priorité aux projets dont les cyclistes ont besoin : par exemple en créant un aménagement structurant, provoquant un appel d’air avec un afflux important de vélos, consolidant ainsi la pratique au quotidien et débouchant sur le transfert modal attendu.
  • Les aménagements préexistants devraient être des infrastructures rassurantes, qualitatives, qui accueillent les cyclistes de 7 à 77 ans (et au-delà), ce qui n’est pas toujours le cas. Bd de la Sauvenière (squatté par les voitures).
  • Ce réseau primaire existant devra donc être amélioré pour le rendre plus confortable, plus visible et plus adapté à tous les publics roulant à vélo.

5 – Comment utiliser le financement au mieux

  • Les intentions de la Ville sont d’utiliser le financement WaCy à ⅔ pour les infrastructures et à ⅓ pour le stationnement, notamment le stationnement sécurisé.
  • Même si d’autres budgets comme ceux du plan infra pourraient être activés, le retard pris par la ville de Liège en matière de développement cyclable devrait conduire la ville à prioriser les infrastructures. On sait d’expérience que les infrastructures coûtent toujours plus cher que prévu.

Elena Chane Alune pour le Groupe Vert Ardent

Intervention au Conseil Communal du 14 décembre 2020

 

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