Considérant que les violences faites aux enfants sont de graves atteintes à leur intégrité physique et mentale ainsi qu’à leurs droits, l’exposition précoce à la violence ayant été reconnue par la communauté scientifique internationale comme la principale cause de mortalité précoce et de morbidité à l’âge adulte ; Lutter contre les violences faites aux enfants est un impératif qui nous concerne toutes et tous : la Ville de Liège s’engage.
Considérant que ces violences sont fréquentes et répandues dans tous les milieux, qu’elles sont le plus souvent intra-familiales ou institutionnelles et avant tout commises par des personnes censées protéger les enfants, que ces violences s’exercent dans le cadre de rapports d’inégalité, de privilège et de domination des hommes sur les femmes et les filles, des adultes sur les enfants ;
Considérant que les enfants sont les principales victimes des violences sexuelles, les filles bien plus que les garçons : 81 % des violences sexuelles débutent avant 18 ans, 51 % avant 11 ans, 21 % avant 6 ans (Enquête IVSEA, Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, 2015) ;
Considérant qu’un enfant sur quatre a subi des violences physiques, une fille sur cinq et un garçon sur treize des violences sexuelles, un enfant sur trois des violences psychologiques (OMS – ACE – Adverse Childhood Experiences, 2016) ;
Considérant que ces violences ont de très lourdes répercussions sur la vie, le développement, le comportement, la scolarité et la santé des enfants avec des atteintes physiques, psychiques et neurologiques, endocriniennes et immunitaires et même génétiques qui risquent de les impacter dès leur vie fœtale (violences lors de la grossesse), à leur naissance, et tout au long de leur vie, le cerveau des enfants étant très vulnérable aux violences et au stress extrême ;
Considérant que la très grande majorité des enfants victimes de violences ne sont que rarement protégés et reconnus, qu’ils n’ont que rarement accès à la justice et à des réparations, et que leurs traumatismes psychiques ne sont presque jamais pris en charge, alors qu’ils sont à l’origine des très lourdes conséquences sur leur développement psycho-moteur et cognitif, leurs comportements et leur santé à long terme ;
Considérant que ces enfants en danger sont condamnés à survivre seuls aux violences ainsi qu’à leurs conséquences psychotraumatiques, et plus particulièrement à une mémoire traumatique qui leur fait revivre à l’identique les pires moments comme une torture sans fin. Afin d’échapper à cette souffrance intolérable, les enfants mettent en place, tout au long de leur vie, des stratégies de survie hors norme pour s’anesthésier émotionnellement (à savoir des conduites dissociantes comme des addictions à l’alcool ou la drogue, des mises en danger, des troubles alimentaires, etc.). Ces stratégies qui sont des tentatives désespérées d’auto-traitement sont très préjudiciables pour leur santé, et leur qualité de vie. Elles aggravent leur vulnérabilité et le risque de subir de nouvelles violences. Elles sont rarement rapportées aux violences par les professionnels de la santé ;
Considérant qu’avoir subi des violences dans l’enfance est la principale cause de décès précoces à l’âge adulte, le déterminant principal de la santé après 50 ans, et que cela peut faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie, comme l’ont démontré de grandes études épidémiologiques internationales sur les ACE depuis 1998 (Adverse Childhood Experience, les expériences négatives de l’enfance : Felitti et Anda, 1998, 2010, Hillis, 2016, Brown, 2009) ;
Considérant que ces études révèlent que les principaux facteurs de risque pour la santé et les principales maladies mentales et physiques à l’âge adulte ont de très forts liens avec des violences subies dans l’enfance (Fulu, 2017) et que ce risque est graduel en fonction de la gravité des violences et de leur nombre ;
Considérant que le principal risque, tout au long de sa vie :
- de se suicider ou de faire des tentatives de suicides,
- d’être alcoolique, toxicomane, tabagique,
- d’être obèse,
- d’avoir des comportements à risque,
- d’être déprimé,
- d’avoir une grossesse précoce,
- de se retrouver en situation de précarité, de marginalisation ou de situations prostitutionnelles,
- de subir de nouvelles violences, ou de commettre des violences,
est d’avoir subi des violences dans l’enfance ;
Considérant que, pour ces enfants, cette absence de protection et de prise en charge précoce est une lourde perte de chance en termes de santé, de développement, de vie affective, de scolarité, d’insertion sociale et professionnelle et que cette absence aggrave les inégalités, met en danger la cohésion sociale, pèse dans les dépenses de santé et constitue un coût pour la collectivité ;
Considérant que sortir du déni, protéger et soigner ces enfants est un impératif humain absolu et une urgence de santé publique qui nécessite une volonté politique forte ;
Considérant que l’association SOS Enfants à Liège, qui a pour mission de prévenir et traiter les situations où des enfants sont victimes de maltraitance physique, psychologique et sexuelle, ont comptabilisé près de 700 prises en charge en 2020, que ce nombre est en augmentation importante de +45 % pour le premier trimestre 2021 et que cela ne constitue que la partie visible de l’iceberg ;
Considérant que la pandémie et les confinements ont augmenté le nombre d’enfants exposés aux violences intra-familiales ;
Considérant que la prise en charge des enfants victimes de violence(s) nécessite un lieu accueillant et sécurisant, la nécessité de poser un cadre clair et à la fois flexible, la création d’un climat d’écoute et de confiance par des personnes formées, l’importance d’évaluer le danger ;
Vu la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée en 1989 par les Nations Unies ;
Vu le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants de 2002 (OPSC) ;
Vu l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdisant la torture, les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
Vu la Convention européenne des droits de l’enfant notamment son article 16.2 qui tend à mettre fin à toutes formes de violence à l’égard des enfants ;
Vu l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme interdisant la torture, les peines ou les traitements inhumains et dégradants ;
Vu la Convention du Conseil de l’Europe dite « Convention de Lanzarote » sur l’exploitation et les abus sexuels des enfants ;
Vu la Convention d’Istanbul portant sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique notamment ses articles 22, 23, 26, 46 ;
Vu l’article 17, littera b, de la Charte sociale européenne révisée ;
Vu la Directive n°2012/29/UE (dite “Directive Victimes”) établissant des normes minimales concernant les droits, la protection et le soutien des victimes de la criminalité dans l’Union européenne ;
Vu la Directive n°2011/93/UE relative à la lutte contre les abus sexuels, l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie ;
Vu l’article 22bis de la Constitution, qui dispose : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle ; Chaque enfant a le droit de s’exprimer sur toute question qui le concerne ; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement. Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement. Dans toute décision qui le concerne, l’intérêt de l’enfant est pris en considération de manière primordiale. » ;
Vu la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse ;
Vu la loi du 30 novembre 2011 modifiant la législation en ce qui concerne l’amélioration et l’approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d’autorité ;
Vu l’article 371 de l’ancien code civil concernant l’autorité parentale, qui dispose : « L’enfant et ses père et mère se doivent, à tout âge, mutuellement le respect. » ;
Vu les articles 239 à 250 du Code pénal traitant des violences et abus sexuels ;
Vu l’article 372 du Code pénal, qui dispose : « Tout attentat à la pudeur commis sans violences ni menaces sur la personne ou à l’aide de la personne d’un enfant de l’un ou de l’autre sexe, âgé de moins de seize ans accomplis, sera puni de la réclusion » ;
Vu l’article 375 du Code pénal, qui dispose : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, constitue le crime de viol. Il n’y a pas consentement notamment lorsque l’acte a été imposé par violence, contrainte, menace, surprise ou ruse, ou a été rendu possible en raison d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale de la victime. » ;
Vu les articles 383, 385 et 386 du Code pénal sanctionnant les outrages aux bonnes mœurs ;
Vu les articles 383bis et 384 du Code pénal sur la possession et la fabrication de matériel à caractère pédopornographique ;
Vu l’article 398 du Code pénal sanctionnant quiconque aura volontairement fait des blessures ou porté des coups ;
Vu l’article 405ter du Code pénal qui prévoit une circonstance aggravante pour ces faits lorsqu’ils sont commis envers un mineur par ses pères, mères ou autres ascendants ou tout autre personne ayant autorité sur le mineur ;
Vu les articles 417bis à 417 quinquies du Code pénal visant la répression de la torture, du traitement inhumain et du traitement dégradant ;
Le Conseil communal de la Ville de Liège demande au Collège communal de la Ville de Liège :
- De mettre en place une reconnaissance, une information et une sensibilisation sur le territoire de la Ville de Liège au sujet des violences sexuelles, physiques et mentales dont les enfants sont victimes ;
- De respecter les droits des enfants et permettre un état des lieux dans les différents services de la Ville ;
- De prendre en compte et libérer la parole des enfants, et de mettre en œuvre des moyens pour que celle-ci puisse être entendue et reçue et pour que l’on tende à une Ville et des quartiers sans violence pour les enfants ;
- De permettre d’objectiver les violences faites aux enfants sur le territoire de la Ville de Liège et de permettre une « veille scientifique » comme la Ville le prévoit dans son groupe technique « prévention des violences intrafamiliales » ;
- De former continuellement les personnes en contact avec les enfants pour détecter et pouvoir réagir en cas de violences dans les crèches, écoles, club sportifs et maisons de jeunes de la Ville et de former les agents de police à l’accueil et à la prise de plaintes d’enfants ;
- De prévoir dans les différents niveaux scolaires des ateliers et des moments pour libérer et accueillir la parole des enfants ;
- De permettre une collaboration avec les services de police, les lieux d’accueils d’enfants et de jeunes ;
- De célébrer la journée des droits de l’enfant ayant lieu le 20 novembre et de sensibiliser les enfants comme les adultes à ces droits ;
- D’organiser des rencontres, au minimum annuelles, avec les commissions ad hoc (petite enfance et jeunesse) et les actrices et acteurs de terrain autour de la lutte contre les violences faites aux enfants ;
- De garantir un soutien aux associations de terrain via un renforcement des subsides proposés avec une attention particulière vers les projets qui tentent de lutter contre ces violences ;
- De répertorier l’ensemble des associations dans un répertoire mis à disposition sur le site de la Ville ;
- De mettre à disposition des locaux aux associations dans le besoin, si possible un local de manière durable que ces associations pourraient se partager, et des vélos pour faciliter les déplacements des associations qui rencontrer les victimes à leur domicile dans la Ville ;
- De faire de cette motion une charte dans laquelle la Ville de Liège s’engage à maintenir ces objectifs, signée par l’ensemble des associations et des membres du conseil communal de Liège.
Elena Chane-Alune et Laura Goffart pour le groupe Vert Ardent
Motion pour le conseil communal du 28 septembre 2021