Dans la réflexion sur la problématique de la grande précarité engagée au sein du Conseil communal lors d’une journée de travail ce samedi 16 novembre, le dossier concernant la réglementation de la mendicité apparaît comme fort controversé.

Pour certains l’actuel règlement datant de 2001 est indispensable pour «réguler» la présence des mendiants, particulièrement dans le Centre-Ville ? Pour d’autres ce règlement paraît comme inapplicable et contraire à l’esprit de la Loi de 1993 autorisant la mendicité.

Durant les 10 premiers mois la police de Liège a établi sur base de ce règlement 1380 fiches de contact et procédé à 130 arrestations administratives. Certains mendiants ont subi des écrous à répétition pour avoir contrevenu à 3 reprises (ou plus) à l’interdiction de pratiquer leur activité dans un lieu non autorisé par la fameuse règle de la «tournante» par jours de semaine et par quartiers (article 2$3).

Or celle-ci ne tient compte ni de la résidence des personnes qui mendient, ni de leurs besoins, ni de leurs activités quotidiennes, ni du nombre de passants et des liens établis entre ceux-ci et les personnes mendiantes.
Sachant que Liège compte plusieurs centaines de personnes Sans-Abris et plus de 12000 personnes – auxquels il faut ajouter les membres de leur ménage – qui dépendent du R.I.S (insuffisant pour permettre à une bonne partie d’entre elles de vivre dans la dignité), la mendicité apparaît comme un moyen inévitable et légal pour faire face aux besoins de nombreuses personnes.

C’est également le sens d’un jugement datant du 3 juillet 2019 acquittant un SDF liégeois cité à comparaître à la requête du Procureur de Roi pour «résistance opposée à l’autorité publique» suite à son Xème arrestation effectuée par des policiers en civil sur base de notre règlement communal. Le jugement met profondément en cause l’interprétation par les policiers de la notion de «trouble de l’ordre public». Il interroge aussi les arrestations qui s’en suivent, la notion de «sollicitation» des passants (notion non définie dans le règlement, article 6), ainsi que l’application de fouilles corporelles non fondées dans le PV… Sur base de ces constations, le jugement considère la résistance du mendiant comme «légitime et proportionnelle».

C’est pour cela que :

  • Considérant que la Loi de 1993 autorise la mendicité,
  • considérant que de nombreuses personnes trouvent dans la mendicité un moyen légal pour compléter les ressources qui leur sont indispensables pour faire face à leurs besoins,
  • considérant que ce moyen légal n’est pas une solution satisfaisant mais qu’en l’état actuel les différents niveaux de pouvoir peinent à proposer des solution permettant d’amoindrir la nécessité de certains de recourir à la mendicité
  • considérant que l’actuel règlement est inapplicable et tellement vague et restrictif qu’il en devient contraire à l’esprit de la Loi,
  • considérant que le souci de « régulation » de la présence des mendiants ne concerne quasiment que le Centre Ville, et non pas les autres quartiers de Liège, pourtant également touchés par la «tournante» imposée,
  • considérant que cette présence plus nombreuse de mendiants dans le Centre Ville s’explique par l’affluence plus importante de passants, mais aussi par leur lieu de résidence ainsi que par de nombreux services sociaux répondant à leurs besoins quotidiens,
  • considérant qu’une série de textes légaux et réglementaires permettent déjà de «réguler » la présence des mendiants dans le Centre, en dehors des articles exagérément restrictifs voir liberticides,
  • considérant que le jugement du 3 juillet 2019 doit nous interroger profondément sur la légalité de ce règlement et de son application ;

Nous demandons par la présente :

  • l’organisation par le Collège d’une réflexion en profondeur sur la pertinence de notre règlement communal,-tant sur le plan juridique que social et politique. Cette réflexion approfondie pourrait prendre la forme d’une journée d’étude associant juristes, associations de terrain, représentants des mendiants, la Police et le Conseil communal comme le Conseil de l’Action Sociale.

Elle permettrait de répondre à notre souci de revoir notre règlement afin de répondre à la fois – aux exigences de respect de l’ordre public :

  • aux besoins et réalités des personnes mendiantes,
  • à la juste répartition du travail entre la Police et les acteurs sociaux de terrain,
  • à l’esprit de la Loi de 1993

Guy Krettels et Caroline Saal, Conseillers Communaux Vert Ardent

Motion présentée au Conseil Communal de Liège du 16 décembre 2019

 

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